Comme l'on s'y attendait, la séance plénière de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) tenue, hier, au palais du Bardo et consacrée à l'examen de l'amendement de la loi électorale dans le sens de porter le seuil électoral de 3 à 5%, a été chaude, voire très chaude. Ceux qui se sont opposés à la proposition gouvernementale ont poursuivi la polémique entamée déjà au sein de la commission parlementaire du règlement intérieur, de l'immunité des lois parlementaires et des lois électorales relevant de l'ARP où l'on considère que le gouvernement cherche, à travers sa proposition, à saper la transition démocratique et à réduire à zéro ou presque la présence des petits partis politiques au sein du prochain parlement, ce qui portera une grave atteinte au processus démocratique. En d'autres termes, ceux qui s'opposent à l'augmentation du seuil électoral de 3 à 5% craignent que seuls les grands partis politiques comme Ennahdha et Nida Tounès, voire «Tahia Tounès», le parti en phase de constitution qu'on considère comme celui du chef du gouvernement, Youssef Chahed, puissent s'assurer une représentation au sein de la prochaine ARP alors que les autres partis comme Al Moubadara, Al Massar, Al Watad, le Parti des travailleurs, Achaâb, etc. n'auraient pas accès au Parlement dans la mesure où ils ne pourraient pas atteindre le seuil de 5% des sièges en compétition. Et pour être encore plus clair, l'adoption du nouveau seuil électoral obligeant tout parti à remporter au moins 5% des sièges de députation signifie simplement et purement la disparition du Front populaire qui dispose actuellement de 15 députés répartis sur près de neuf formations politiques. Sur un autre plan, les partis qui ne pourront pas atteindre les 5% prévus par la nouvelle proposition gouvernementale n'auront pas droit au financement public de leur campagne électorale, ce qui veut dire qu'ils ne pourront pas récupérer les dépenses qu'ils consentiront pour gagner 3 ou 4,5% des voix, voire 2 ou 1% et obtenir quelques sièges au Parlement comme le fixe la loi électorale en vigueur. Et c'est bien dans le but de préserver la diversité et la pluralité au sein du palais du Bardo et pour s'opposer à la volonté «de faire taire les voix libres» que plusieurs organisations et associations de la société civile et des partis politiques ont publié une déclaration commune dans laquelle ils dénoncent «la volonté de consacrer le pouvoir de la majorité au gouvernement» en proposant une loi à même d'amender la loi électorale à quelques mois des élections législatives programmées pour fin octobre prochain. Les signataires de la déclaration estiment, en effet, que «le projet d'amendement témoigne d'une volonté de saper les forces démocratiques, de consacrer l'alignement politique et le pouvoir unique et de restreindre le pluralisme et la diversité au parlement». «Un régime autoritaire au vrai sens du mot» Et ils menacent de s'opposer légalement à l'amendement au cas où il serait adopté par le parlement en l'attaquant pour anticonstitutionnalité. Le décor étant planté, les députés, principalement ceux de l'opposition, ont dit, hier, tout ce qu'ils avaient sur le cœur, estimant que «l'amendement n'est qu'une manœuvre des grands partis au pouvoir pour imputer leur échec au système électoral». Pour Adnène Hajji, «s'il n'y avait pas de groupes de l'opposition, on aurait eu aujourd'hui un parlement et un système politique consacrant un régime autoritaire au vrai sens du mot». Ghazi Chaouachi, député du Courant démocratique, souligne: «La tentative d'amender le seuil électoral à ce moment précis est inacceptable d'un point de vue éthique et politique». Il ajoute : «C'est une volonté d'exclure les petits partis et de consacrer un paysage politique en contradiction avec l'expérience démocratique tunisienne». De son côté, la députée Meriem Boujbel, du bloc Al Horra, considère que le gouvernement veut enterrer une fois pour toutes le processus démocratique et torpiller le pluralisme». Quant aux députés soutenant la proposition gouvernemntale, ils avancent que l'amendement permettra de rationaliser la scène politique et de limiter la division et la fragmentation des partis et des blocs parlementaires au sein de l'ARP.