Par Bady BEN NACEUR Nous le faisions remarquer, dans une précédente rubrique dernièrement : le dialogue des cultures bat de l'aile entre nos deux rives du fait des exactions politiques, du retour aux nationalismes étriqués, et de relents de racisme ou de religiosité. La Méditerranée serait-elle devenue une mer qui divise et non de partage? Le colloque international d'études méditerranéennes de Beit El Hikma, qui vient de s'achever hier, et si justement intitulé «Identités fluides transnationales (entre la Sicile et la Tunisie), avec de nombreuses personnalités du bassin de cette «Mare nostrum», tendait à démontrer l'apport de nos richesses communes et la pérennité, voire l'immortalité de ce dialogue. Et nous en tiendrons pour preuve — hormis les comptes rendus à venir — l'intervention d'un artiste plasticien — en la personne de Girolamo Palmizi, bien connu des Tunisiens pour la création de ses passerelles futures, ses ponts-sculptures (à Nabeul) et orientés entre la Sicile et la Tunisie, pour le meilleur et pour le dire encore et encore … Le choix de cet artiste n'est pas fortuit, car chaque bâtisseur de l'imaginaire méditerranéen devrait, comme il le fait si bien, apporter à ses recherches une sensibilité neuve qui puisse enrichir ses découvertes, du point de vue de la forme, de la lumière, de l'espace et de la couleur. Mais il ne s'agit pas d'un jeu de ces éléments, simplement pour une esthétique nouvelle, mais bien pour une réalité tangible, traduite par son équivalence. Et c'est ce que fait Girolamo Palmizi à travers son nouveau projet quand, bien d'accord avec des maîtres anciens, peintres, faïenciers (ses toiles de grands formats qui revalorisent les carreaux muraux faits mains), les sculptures en acier ou le bleu et le rouge pourpre (méditerranéens) se conjuguent à merveille. Comme l'on dit que les lointains sont bleus et que la terre est rouge. Il retournera ces données pour signifier que ce lointain est rouge et que le sol est bleu. C'est ainsi d'ailleurs que le projet de Yammuna-Elyssa au présent est né. Dans son intervention, une sorte de one man show théâtral et à l'antique, il fait dialoguer notre Reine Didon avec Pygmalion. Ces deux êtres sculptés se faisant face et deux autres identiques montrés dos à dos pour signifier que la princesse qui a créé Carthage devra rentrer à Tyr, puisque rien ne va plus de ce côté-ci de la Méditerranée. S'engage alors un dialogue loufoque à travers la voix de l'artiste qui joue à merveille les deux rôles des intervenants qu'il a créés de toutes pièces à travers ses sculptures où on le voit poser sur l'écran sur le rivage tunisien. Et comme le dit Giuliana Guarrata qui présente les œuvres de l'artiste Palmizi, repropose avec «Yammuna» d'établir un autre lien entre le Liban et la Tunisie, entre Tyr et Tunis plus précisément (…)* Yammuna identifie le bassin méditerranéen, convertissant le sens latin de «appropriation» (Mare Nostrum) dans un mot libanais qui traduit une aspiration, un espoir, le partage. Ces sculptures ont été conçues avec une hauteur de 2 mètres et 35 centimètres, c'est Elissa à Tyr et Elissa à Tunis. «Formellement, les deux structures se décomposent en éléments ondulés que se projettent dans leurs réciprocités. Elissa regarde la mer, la mer regarde Elissa. C'est un duel qui rappelle la re-naissance» et qui sous-entend le retour à cette «bonne contamination» culturelle qui tend à se perdre entre les deux rives. Mais nous reviendrons sur son travail dans un notre rubrique réservée aux arts plastiques. * Organisé par les chercheurs : Meriem Dhouib et Alfonso Campisi.