«Autrefois, le joueur tunisien en vrai amateur jouait au football rien que par amour et passion… Il ne bénéficiait ni de salaire ni de prime… et il mouillait son maillot pour l'amour du football et de son club… Et même s'il bénéficiait rarement d'une très petite prime de quelques dinars, ça n'arrivait pas toutes les semaines. Il devait cravacher dur pour gagner un match important ou s'adjuger d'un titre de championnat ou de Coupe de Tunisie. Je me rappelle très bien quand j'étais entraîneur de l'équipe nationale, et après avoir joué la finale des Jeux méditerranéens d'Izmir en 1971 contre l'ex-Yougoslavie, la FTF avait décidé de donner aux joueurs et au staff technique une prime de 70 dinars en signe d'encouragement. C'est la première fois que cela arrive dans ma longue carrière. Cette prime avait été doublée à l'occasion de notre victoire de la coupe de Palestine en 1974. Quand le Combattant suprême H.Bourguiba avait décidé de nous accorder une prime de 150 dinars, ce geste restera gravé à jamais dans ma mémoire. Concernant les clubs que j'avais entraînés, à l'USM, il n'y avait jamais des primes quels que soient les résultats enregistrés… En revanche, au CA et au ST, deux équipes plus aisées, ça arrivait parfois d'avoir une prime qui ne dépassait pas 50 dinars après une victoire importante. De nos jours et avec l'avènement du soi-disant professionnalisme, la mentalité a complètement changé, et jouer au football est devenu une vraie profession qui permet au joueur de gagner sa vie… Il bénéficie non seulement d'un salaire fixe parfois trop élevé, mais aussi d'une prime de signature et une autre en cas de victoires… certes, c'est son plein droit d'assurer sa carrière souvent menacée par les blessures mais ce qu'il reçoit est trop exagéré par rapport à ce qu'il donne comme rendement sur le terrain. Cela dit, et en dépit des conditions confortables dont il bénéficie, le joueur tunisien de nos jours est instable dans le rendement; pourtant l'entraîneur qui effectue tout le travail pour le préparer est moins payé que lui… Donc, vous voyez, seul le joueur a bien profité du professionnalisme dans la mesure où il est toujours protégé par la loi grâce au contrat qu'il a signé avec telle on telle équipe en bonne et due forme… Mais la question qui se pose est: qui est derrière cette flambée parfois exorbitante des salaires? Ce sont sûrement les clubs riches qui mettent la barre très haut pour recruter les meilleurs joueurs évoluant dans notre championnat… Dans ce cas, les petits clubs qui n'ont pas les moyens se vident puisqu'ils libèrent leurs meilleurs joueurs pour assurer leur survie. C'est pour cela d'ailleurs qu'on trouve toujours les mêmes équipes, disposant de moyens financiers énormes, qui raflent tous les titres… et on voit rarement, sauf quelques exceptions, une petite équipe qui gagne une coupe ou un championnat… A mon avis et pour réduire le fossé qui sépare le grands des petits, on devrait sérieusement penser à une réglementation qui fixe un plafond des salaires des joueurs et qui tient compte aussi bien de l'intérêt du joueur que du club. Avec une telle procédure, le niveau entre tous les clubs se rapprochera et la compétition deviendra plus ouverte et plus indécise…»