L'événement est de taille puisqu'il ne s'agit, ni plus ni moins, que de la destruction d'un monument historique de l'histoire contemporaine de la Tunisie. Cela est d'autant plus sidérant qu'on ne cesse de nous bombarder, chaque jour, de mauvaises surprises et d'aberrations de tous genres. La dernière (en date), et sûrement pas la dernière, est celle qui concerne la démolition du fronton du palais beylical de Carthage. Celui-ci porte, qui plus est, les armoiries du pouvoir. Actuellement, cet édifice abrite Beit El Hikma ou l'Académie tunisienne des sciences, des lettres et des arts. Faut-il le rappeler, c'est là que s'est déroulé le dernier acte qui allait conduire la Tunisie à l'Indépendance et c'est de là que le futur premier président du pays a «expulsé» le dernier bey de la dynastie husseïnite (Lamine Bey). Cette valeur historique n'a pas pu préserver cet important monument contre l'ignorance flagrante de ces gens qui prétendent tout savoir et pouvoir. Toutes nos administrations, malheureusement, sont, de plus en plus infestées par cette nouvelle race d'ignares en costume-cravate qui ont remplacé des élites et des compétences préférant s'effacer devant la médiocrité rampante. Car une telle décision ne peut être prise par une seule personne. Les explications données pour justifier cette situation ne tiennent pas debout. On prétend qu'elle émane des responsables de Beit El Hikma. Ceux-ci auraient jugé bon de faire démolir la partie comportant les armoiries beylicales parce qu'elle représente un danger. En effet, affirme-t-on, un pan dudit fronton est, déjà, tombé et des fissures ont été observées sur les murs. La direction du Patrimoine, de son côté, n'aurait pas été informée (ce qui est une erreur grossière et inadmissible). On ne conçoit pas qu'une institution telle que Beit El Hikma, ne soit pas bien entourée et bien entretenue. On ne comprend, même pas, comment la réaction n'a eu lieu qu'après coup alors qu'il y avait des travaux qui ont pris du temps. L'échafaudage aurait pu éveiller les soupçons que quelque chose se préparait. De telles bizarreries ne peuvent se dérouler ailleurs. C'est le comble du laxisme et de l'anarchie administrative. Quand bien même on nous rassurerait que tout rentrera dans l'ordre dans une dizaine de jours, le simple citoyen ne pourra pas s'empêcher de craindre d'autres catastrophes. Le pillage de notre patrimoine qui s'amplifie depuis 2011 ne suffit-il pas ? D'ailleurs, il ne faudra pas restaurer à l'identique cette partie démolie mais il faudra, également, aménager l'environnement qui entoure ce site. La place devant ce palais n'a pas connu d'entretien depuis belle lurette. La petite plage que les familles préfèrent en été est livrée à elle-même. De façon délibérée, disent les habitués comme si on ne voulait pas que cette zone soit fréquentée par les citoyens. On sait que c'est une zone «sensible». Mais tout le monde sait qu'elle l'a toujours été et que malgré tout, les gens se sentaient plus à l'aise en venant admirer le bleu de l'azur, les bateaux et les cimes des montagnes de Boukornine. C'est leur pays. Mis à part ce qui vient de se passer à Carthage et le sort qu'on a réservé à l'ancien palais beylical, il serait opportun de signaler que les plages de la banlieue nord (de La Marsa à La Goulette), méritent un meilleur traitement de la part des municipalités respectives. Les palais des beys y sont implantés mais ne bénéficient pas de l'intérêt requis. A La Marsa, il paraît que le bâtiment a été transformé en restaurant. Comme ce fut le cas du palais beylical de Carthage (une sorte de casino appelé «Zéro de conduite dans les années 70 et fréquenté par les étrangers et les grandes personnalités de l'époque). Le palais présidentiel, actuel, a respecté le même circuit. Dans les années 60, Bourguiba avait choisi de l'édifier au bord de la mer près des Thermes d'Antonin. Lorsqu'on continue jusqu'à Salammbô, on ne peut que constater, avec désarroi, l'état lamentable dans lequel se trouve le Port punique. Des barques de pêche ou de plaisance y ont élu domicile et l'ont transformé en débarcadère anarchique. Pendant ce temps, aucune autorité ne s'est manifestée pour remettre de l'ordre dans une situation inédite. Pis encore, toutes les ruines de Carthage n'échappent pas à cette indifférence et sont livrées à une dégradation inévitable.