Une nouvelle phase est amorcée, celle de l'application des recommandations de l'Instance qui tablent sur la réforme judiciaire, sécuritaire, éducative, ainsi que des structures de contrôle Fini le mandat de l'IVD dont le rapport final a été publié récemment. Pourtant, on n'en finit pas avec un débat houleux sur les faits et méfaits ayant marqué son parcours, au bout de quatre ans. Sa présidente, Sihem Ben Sedrine, étant sans conteste la figure la plus controversée du conseil de l'Instance vérité et dignité. Ses apparitions média- tiques n'ont pas manqué, à chaque fois, de remettre en cause l'édifice de la justice transitionnelle. Vendredi dernier, le Centre d'appui à la transition démocratique et aux droits de l'Homme (Daâm) a réagi autrement, sur fond d'une lecture critique et analytique. Avec pour vaste approche «La justice transitionnelle en Tunisie et en Libye : résultats de deux processus et leur rôle dans une réconciliation nationale et les garanties de non-répétition». De par le rôle qu'il avait joué pour apporter sa pierre à l'édifice, en tant qu'avocat, mais aussi acteur actif et agissant de la société civile, M. Mokhtar Trifi, président du centre «Daâm», a rendu un vibrant hommage à feu Amor Safraoui . Celui-ci, dit-il, avait, dès le début, défendu bec et ongles les assises de ce processus et suivi de près la naissance, au forceps, de la loi portant création de l'IVD. C'était en 2011, que son combat avait pris de l'élan, menant le dialogue associatif sur la justice transitionnelle à bon port. Toutefois, l'homme n'a jamais été convaincu de ce que pourrait faire l'Instance de Ben Sedrine. «L'IVD sera née défigurée, sans suc- cès..», ainsi prévoyait, alors, maître Safraoui. Et M. Trifi, son ami de parcours, d'ajouter qu'il refusait d'être manipulé pour saper la marche du processus. Son rêve était de voir l'expérience tunisienne dépasser les frontières pour en faire profiter nos voisins dont la Libye, où l'après-révolution n'a pas, jusque-là, réussi. Intervenant par vidéoconférence depuis le siège du Centre international de la jus- tice transitionnelle à New York, l'expert Ruben Carranza a passé en revue les deux expériences tunisienne et libyenne en la matière, faisant valoir l'apport de l'IVD. Mais, reconnaît-il, sa mission n'a pas parfaitement réussi. Juste un processus, avec des hauts et des bas. L'essentiel, à l'en croire, est d'en tirer les leçons. Passer à l'action Contrairement à la Tunisie, les choses n'ont pas progressé en Libye dont la situation post-révolution a de plus en plus empiré, a-t-il estimé. «La société tunisienne semble beaucoup plus en harmonie, d'autant que ses forces civiles font preuve de conscience et de responsabilité», révèle-t-il. Sans pour autant occulter les défis et les difficultés auxquels fait face notre pays, dont notamment la corruption. D'après lui, la Tunisie est parvenue, quand même, à mettre en place des juridictions spécialisées dans la justice transitionnelle, ces tribunaux étant en mesure de trancher les milliers de dossiers déjà transférés par l'IVD. Le fonds de la dignité, créé pour dédommager les victimes est aussi cité en exemple. Pour Mme Neziha Boudhib, avocate et membre de la Coordination nationale indépendante pour la justice transitionnelle (Cnijt) — dont l'idée de création revient à son président Amor Safraoui — le bilan de l'IVD est, en fait, mi-figue, mi-raisin. Dans son intervention intitulée «La justice transitionnelle sous l'effet des exigences », elle a souligné la portée des expériences précédentes capitalisées à l'échelle mondiale, en Argentine, au Chili, en Afrique du Sud et au Maroc, auxquelles s'ajoute celle vécue en Tunisie. « Elle servira, toutes proportions gardées, d'un modèle de référence qui pourrait inspirer d'autres pays du monde», juge-t-elle. Sauf que, sous nos cieux, le processus s'est trouvé politiquement instrumentalisé, ce qui a suscité une grande déception, a-t-elle déploré. Quoi qu'il en soit, a-t-elle conclu, la fin de l'IVD n'est pas celle du processus de justice transitionnelle. Du reste, il faut se battre pour y arriver. L'après-IVD ? Une nouvelle phase est amorcée, celle de l'application des recommandations de ladite instance, lesquelles tablent sur la réforme judiciaire, sécuritaire, éducative, ainsi que des struc- tures de contrôle en Tunisie, relève M. Amine Ghali, président du Centre «Kawakibi» pour les transitions démocratiques. Selon la loi 2013-53 régissant la justice transitionnelle, argue-t-il, l'Etat est tenu de préparer un plan d'action d'ici l'année prochaine pour leur mise en œuvre. «Mais cela n'est pas aussi suffisant. Médias et société civile devraient maintenir la pression, afin que le gouvernement passe à l'action», conclut M. Ghali.