Youssef Chahed, chef du gouvernement, reconnaît que les protestations contre l'augmentation des prix des hydrocarbures sont compréhensibles. Sauf que la realpolitik impose de reconnaître que ce réajustement était déjà programmé et analysé par les députés La vague de protestations qui a accompagné l'annonce de l'augmentation des prix des hydrocarbures pose un problème récurrent relatif à la communication, au timing des décisions et aux réactions que de telles mesures suscitent auprès de l'opinion publique. En d'autres termes, ces augmentations sont-elles intervenues à la surprise générale ou étaient-elles, plutôt, programmées par la loi de finance 2019 ? Cette question a dominé, ces deux derniers jours, la scène médiatique nationale au point que le chef du gouvernement s'est trouvé dans l'obligation de rectifier le tir et de remettre les choses en ordre. Hier, il a déclaré : «Les protestations sont compréhensibles mais la décision n'est pas un choix du gouvernement. Elle résulte plutôt de la pression sur le budget». Le chef du gouvernement fait allusion au déficit énergétique que la Tunisie connaît depuis des années, déficit qui se creuse d'année en année, suite à la mise en application du fameux article 13 de la Constitution relatif à l'exploitation des richesses nationales dont en premier la prospection du pétrole. Faut-il rappeler que la production pétrolière est actuellement au point zéro depuis la révolution, à cause de l'interruption de la délivrance de permis de prospection aux sociétés pétrolières étrangères. Aujourd'hui, le pays se trouve face à un déficit énergétique qui appelle une mobilisation urgente des investissements dans les projets d'énergies renouvelables comme l'a souligné, hier, le chef du gouvernement devant les participants au sommet digital de Tunis. Mais en attendant que les investisseurs accordent l'importance requise au potentiel d'énergie solaire et éolienne dont dispose le pays et que la rationalisation de la consommation d'énergie porte ses fruits, le gouvernement se trouve dans l'obligation de respecter ses engagements et de prendre les mesures qui s'imposent dont en premier lieu l'augmentation des prix des hydrocarbures en fonction de l'augmentation attendue du prix du baril de pétrole, comme le prévoit la loi de finances 2019. Cette loi dispose, en effet, que le prix des hydrocarbures connaîtra quatre augmentations en 2019. Hier, le ministre de l'Industrie et des Petites et Moyennes entreprises l'a rappelé en s'adressant principalement à ceux qui dénoncent la décision gouvernementale et avancent que le ministre a déjà déclaré qu'il n'y aura pas d'augmentation des prix des hydrocarbures. Tout en démentant avoir fait la déclaration en question, Slim Feriani, ministre de l'Industrie et des PME, assure que «le gouvernement a essayé de retarder, à plusieurs reprises, la décision qui devait intervenir en novembre ou décembre 2018». Le ministre a ajouté que 50% du déficit du budget provient des crédits consacrés à la compensation des hydrocarbures. Sur un autre plan, la loi de finances 2019 prévoit que le ministère de l'Industrie consacre une enveloppe de 2.100 millions de dinars dans son budget à la compensation des hydrocarbures. En tout état de cause, quand l'Ugtt, l'Utica, l'Utap et les partis politiques de l'opposition ou même de la coalition au pouvoir dénoncent la décision de l'augmentation des prix du carburant et soulignent qu'elle est de «nature à approfondir la crise dans le pays», ils oublient malheureusement que cette décision était déjà programmée par la loi de finances de l'année en cours et que cette loi a été adoptée par l'Assemblée des représentants du peuple.