La cadence des cours pétroliers a dépassé cette année toutes les prévisions et estimations nationales et internationales. La barre des 140 dollars était déjà choquante même si certains analystes s'attendaient déjà à un «peack oil» ou encore un choc pétrolier depuis l'année 2005. Aujourd'hui toute la communauté internationale, que ce soit dles pays industrialisés ou en développement, les économies de marché ou d'endettement, les pays exportateurs ou importateurs, n'ont qu'un seul souci : comment éviter le pire ?. Sachant que la courbe des prix et la demande en produits pétroliers ne seront jamais revues à la baisse quelles que soient les circonstances, comment contourner, au niveau national, les effets néfastes d'une facture énergétique de plus en plus embrasée ?.
Le dernier ajustement national des prix des hydrocarbures rendu public à la date du dimanche 6 juillet courant, répond en partie à la frénésie des cours pétroliers surtout qu'à moyen et long termes, les estimations mondiales sont plutôt alarmistes en annonçant qu'on dépasserait les 150 voire les 200 dollars le baril de brent. Compte tenu de cette réalité incontournable, il convient d'agir vite et essayer pour peu de rattraper le rythme des oscillations des cours pétroliers. Les stratégies et politiques énergétiques dont le programme national de maîtrise de la consommation de l'énergie, ne sont que des processus de longue haleine. L'ajustement modéré et progressif des prix à la pompe n'est qu'une réponse instantanée et limitée à l'hypertrophie des prix. Pas de subterfuge pour un pays qui n'a pas d'autosuffisance en produits pétroliers, démuni de ressources naturelles alors qu'il connaît en parallèle une certaine dynamique économique quêteuse de fonds de roulement. Faut-il sacrifier les objectifs d'impulsion des investissements et de création d'emplois pour financer la facture énergétique ?.
En fait, le schéma de développement et d'ouverture tracé pour l'économie nationale est sans retour, mais pour préserver le rythme de la croissance et protéger l'économie des tensions exogènes liées notamment à la flambée des prix pétroliers, des plans de secours sont à adapter de manière à préserver le pouvoir d'achat du consommateur et le pouvoir compétitif des entreprises et à comprimer le déficit budgétaire et le déficit de la balance de paiement tout en maintenant les défis de création d'emplois et de mobilisation des investissements. Toutefois, la réalisation d'une telle combinaison n'est pas du tout facile compte tenu de la réalité et des prévisions déplorables sur la tendance des cours pétroliers. Dire qu'entre janvier 2004 et janvier 2008 le cours de l'or noir passait de près de 30 dollars le baril à moins de 140 dollars. Pis encore, au terme du premier trimestre 2008, les cours ont augmenté de près de 50%. Par glissement annuel, la cadence d'évolution des cours du baril dépasse les 200%. Une loi de finances complémentaire est indispensable Des réalisations qui dépassent de loin les prévisions du budget pour l'année 2008 qui tablait sur un cours de baril côtoyant les 70 dollars. Mais entre 70 dollars et 140 dollars, il y a 70 dollars d'écart et donc des révisions budgétaires inévitables sont à l'horizon. Une loi de finances complémentaire au titre de l'année 2008 est dès lors « indispensable » tel que affirmé par M.Mohamed Rachid Kechiche, ministre des Finances lors d'une rencontre de presse : « On n'est plus à un dollar près d'écart et le rythme d'évolution des prix ne laisse pas la place à une adaptation rapide à la nouvelle donne surtout que la Tunisie n'a pas une autosuffisance en production pétrolière ». Chiffres à l'appui : la Tunisie est un pays importateur net de pétrole puisqu'il s'approvisionne du marché extérieur à hauteur de 58%. La société tunisienne des industries de raffinage « STIR » ne couvre que 42% des besoins du marché national. 72% du besoin du marché en essence et 78% son besoin en GPL sont importés. 100% de la demande nationale en gaz de pétrole liquifié et en Kérosène proviennent de l'extérieur. Même les revenus des sociétés étrangères implantées en Tunisie et productrices de pétrole ne permettent pas de couvrir les besoins nationaux en énergie dans la mesure où l'Etat ne reçoit qu'une part des bénéfices. Il s'ensuit que l'Etat ne peut à lui seul résorber le déficit de la balance énergétique, ni comprimer le déficit de la balance des paiements. A noter que le déficit de la balance commerciale passait de 840 MDT en 2006, à 755 MDT enregistrés au cours des six premiers mois de l'année en cours seulement. Il faut dire qu'en dépit de la stratégie nationale de la rationalisation de la consommation de l'énergie, la dynamique enregistrée en matière de prospection pétrolière, l'importance des subventions directes et indirectes allouées au secteur, la production reste insuffisante, l'inadéquation entre l'offre et la demande pétrolière est chronique et l'on ne pourra jamais s'attendre à des miracles naturels ou supranaturels.
Les subventions directes et indirectes pourront aller jusqu'à 4400 MDT au lieu de 1900 MDT
Les primes directes versées par l'Etat en tant que subvention sont estimées à 450 MDT en 2007, auxquelles s'ajoutent les manques à gagner sur le budget de l'Etat ou encore les subventions indirectes calculées à 1500 MDT en 2007 pour un baril de pétrole à 72 dollars. Actuellement et compte tenu de l'envolée incroyable des prix, des rectificatifs sont de mises. Si le baril se maintient au seuil de 150 dollars, les subventions indirectes au secteur de l'énergie pourront aller jusqu'à 3000 MDT au lieu de 1500 MDT prévus et les primes directes pourront atteindre les 1400 MDT au lieu des 400 MDT initialement prévus. Ces subventions allouées au secteur des hydrocarbures ne peuvent que nuire à l'équilibre budgétaire de l'Etat et au pouvoir d'achat du consommateur. La responsabilité est donc partagée. Les ajustements des prix à la pompe effectués du mois de mai 2004 au mois de décembre 2007 n'ont permis la couverture que de 33% du coût de l'énergie, les 2/3 ont été portés sur le budget de l'Etat. L'ajustement du mois de mars 2008 n'a quant à lui permis de résorber que 13% de la facture énergétique. De fait et étant donné le poids qui pèse sur le budget de l'Etat, des subventions supplémentaires seront inscrites aux détriments des investissements productifs et des objectifs de création d'emplois. Outre les directives du programme national de la maîtrise de l'énergie, l'ajustement progressif des prix pétroliers constitue la réponse inévitable au déchaînement des cours de l'or noir surtout qu'il est très difficile de faire changer du jour au lendemain les habitudes de consommation des ménages et qu'il est inopportun de se vouer à la dette extérieure pour compenser le déficit et couvrir les dépenses énergétiques.