Le Centre d'études fiscales de la faculté de droit de Sfax et l'Institut arabe des chefs d'entreprises (section Sfax) organisent du 11 au 13 novembre, à Sfax, avec l'appui de la fondation allemande Hans Seidel, la Délégation de la commission européenne, le 5e colloque international sur «la lutte contre la fraude fiscale». Cette rencontre qui devrait réunir certaines entreprises, des experts du Maghreb et d'Europe constituera une belle opportunité pour réfléchir sur les enjeux, les mécanismes et l'efficacité de la lutte contre la fraude fiscale. Une question qui ne cesse de secouer l'actualité économique. L'on reconnaît justement qu'à l'heure où les déficits budgétaires et les dettes publiques explosent, alourdis par la crise économique et les mesures des plans de relance, l'exigence de lutter contre la fraude fiscale, dont on semble redécouvrir les répercussions sur les finances de l'Etat, sur la compétitivité des entreprises et sur la justice fiscale, est devenue à l'ordre du jour. Il est vrai que dans tout Etat, un arsenal répressif de la fraude fiscale est déjà mis en place. Cependant, outre le fait que cette répression est variable d'un Etat à l'autre, son activation est souvent handicapée par des facteurs complexes, à la fois endogènes et exogènes. Dans les pays en développement, souvent l'instabilité politique et économique, la sous administration chronique, l'absence de légitimité des gouvernants, la désorganisation des métiers et professions, les marchés parallèles et la corruption organisée constituent, par le sentiment d'impunité qu'ils font régner dans l'imaginaire collectif, un ensemble de facteurs de légitimation de la fraude fiscale et rendent peu efficace l'arsenal répressif de cette forme de «délinquance» financière. Dans les pays développés, la complexité des législations fiscales, l'internationalisation et la dématérialisation des échanges et la compétition des Etats pour attirer les investissements ont créé un terrain favorable à la fraude et à toutes les acrobaties, rendues possibles par l'existence de paradis fiscaux et par un secret bancaire cadenassé et détourné de sa finalité économique. Certaines relations internationales avec la Suisse ou le Luxembourg sont devenues problématiques et tendues, même si on peut penser que ces «tensions» ressemblent plus à une gesticulation pour détourner l'opinion du caractère structurel de la fraude et des problèmes économiques et sociaux. Les paradis fiscaux semblent arroser les décideurs ici et là, c'est probablement pourquoi ils survivent aux tempêtes passagères, y compris celles provoquées à l'occasion du récent G 20 et en dépit de l'apparente stigmatisation dont ils font l'objet de la part de l'Ocde. Aggravation de la dette publique Même si tout discours de légitimation de la fraude fiscale est dangereux, la civilité fiscale du contribuable a besoin, pour être légitimement exigée, de plus de transparence de l'appareil administratif de contrôle, mais aussi, d'exemple et d'exemplarité de la part des décideurs politiques. Exigeant une réelle volonté politique visant à remédier aux causes de l'incivilité fiscale, la fraude semble être, du moins dans les pays en développement, un sujet tabou. Il est vrai que la fraude est par définition non révélée. Mais des chiffres ont dévoilé que la fraude est située à environ 5% du PIB dans les pays développés et a atteint 90% des recettes fiscales pour certains pays en développement. La fraude fiscale a contribué, soit à l'aggravation de la dette publique qui menace les équilibres budgétaires, soit à la réduction des dépenses publiques, outil de développement et de solidarité sociale pouvant ainsi mettre à mal la légitimité des gouvernants. Economiquement, la fraude fiscale conduit à des distorsions de concurrence entre les acteurs économiques. Politiquement, la fraude met à mal les principes fondateurs de l'impôt, son consentement, son égalité, son équité et sa fonction redistributrice des richesses. Généralement, la fraude se traduit par un transfert de la charge fiscale sur ceux qui sont dans l'incapacité de frauder. C'est dire que la victime de la fraude sera non seulement le service public, mais aussi, la concurrence loyale. Toute cette complexité de la fraude fiscale impose donc un débat beaucoup plus profond sur cette question qui nuit régulièrement à toutes les économies. De ce fait, l'on peut dire que les axes de débat retenus par la rencontre de Sfax devraient contribuer à identifier les moyens qui soient en mesure d'aider à mieux lutter contre la fraude fiscale. Il s'agit surtout des droits fondamentaux et la lutte contre la fraude fiscale, l'approche sociologique de ce phénomène, le forfait en tant que terrain favorable à la fraude ainsi que l'importance de l'échange d'informations entre les administrations pour mieux gérer cette question. Il s'agit également des mesures de lutte contre l'évasion fiscale en matière de prix de transfert, de la sanction pénale comme instrument de lutte dans les Etats membres de l'Union européenne , le critère international et la répression de la fraude fiscale, et les conventions de non double imposition et la lutte contre la fraude fiscale. La rencontre sera également marquée par la présentation de cas pratiques de fraude fiscale.