C'est là un événement important qui se prépare actuellement au siège des Nations unies à Genève. Probablement pour la toute première fois, des créatrices bien de chez nous travaillant sur l'art contemporain, ont été conviées, il y a quelques mois à monter un projet d'exposition à la Galerie des pas perdus dans les murs du Palais des Nations. L'exposition intitulée " L'enfance en partage " s'ouvrira le 29 novembre prochain à 18h 30. Elle se poursuivra jusqu'au 21 décembre. Elle réunit en tout cinq femmes. Tout d'abord, un commissaire, la critique d'art, professeur d'esthétique et de philosophie, Rachida Triki. Ensuite, les artistes, Sadika, l'alchimiste du verre, matériau qu'elle a l'art de décliner selon des procédés et des problématiques diverses, Mouna Jemal, photographe intimiste, Prix National de la photo pour l'année 2009, Fatma Charfi, peintre et artiste visuel, très connue en Europe et aux Etats-Unis où elle expose régulièrement. Et, comme l'art rapproche les cultures, les femmes et les hommes, une photographe américaine a été invitée à rejoindre ce collectif. Elle s'appelle Ellen Eisenman et croit beaucoup au pouvoir de l'art de tisser un réseau instaurant dialogue et rapprochement entre les uns et les autres. Le hasard des rencontres a voulu que Mouna Jemal, participant à la dernière Biennale d'Art contemporain de Dakar, où elle obtint d'ailleurs le Prix du ministère de la Culture, tombe sur l'œuvre d'Ellen. Elle est stupéfaite par le degré de parenté qui existe entre le travail de cette Américaine née dans les années 40 aux Etats-Unis et ses propres dédoublements de photos-arabesques, à travers lesquels elle exprime son amour, de ses triplés et le passage du temps sur leurs jeux, sourires et baignades. Une exposition pour dire que la sensibilité artistique dépasse les frontières et les barrières douanières. " Ce fonds indélébile de l'humain, qu'est la part d'enfance en nous est restitué par l'imaginaire de chaque artiste dans une démarche créatrice qui porte la singularité à l'universel. (…) Si l'innocence, l'amour du jeu mais aussi la vulnérabilité sont liés à l'image que l'on se fait de l'enfant, ces caractéristiques sont aussi celles qui président depuis toujours à l'événement de l'œuvre d'art ", écrit Rachida Triki dans le catalogue de l'exposition. Les sept photos circulaires de Mouna Jemal - " Ce n'est pas pour tous les enfants du monde que le cercle tourne dans le bon sens ", souligne la photographe -, rejoignent l'esprit des murs en verre soufflé de Sadika. " Rien qu'un quart, tel est le titre de l'installation monumentale, de mille cubes, dont certains sont remplis de liquide, de l'artiste, qui évoque la monumentalité du drame des enfants mourant chaque jour de soif. L'eau contenue dans certains éléments de ce travail ressemblant à une sculpture toute en transparences et en lumières virevoltantes en souligne la rareté. L'eau pourrait également donner la vie à ces personnages intrigants, créés par Fatma Charfi, les "abérics ". Mi-végétaux, mi-animaux, ces êtres minuscules, mutants, se sont déjà produits à travers des peintures, des installations et des performances pour s'opposer aux guerres et aux divers fléaux qui emportent chaque année des millions d'enfants. " Il y a toujours dans notre enfance un moment où la porte s'ouvre et laisse entrer l'avenir ", écrivait Graham Green. Les quatre artistes qui exposent à Genève à partir du 29 novembre le croient aussi. Très fort. Passionnément. A la folie.