"Mort aux ennemis de l'Afghanistan!", martèle-t-il, aussitôt repris par les quelque 150 manifestants rassemblés sur un terre-plein d'une rue commerçante de l'ouest de la capitale. Des enfants de douze ans brandissent des pancartes alors que de vieux Afghans reprennent sans grand enthousiasme les slogans de l'orateur appelant au retrait immédiat des troupes américaines et de l'Otan. La manifestation est organisée par le Jamiat Eslah (Société pour les réformes), une organisation conservatrice religieuse, qui a également animé hier une manifestation pour les mêmes motifs à Jalalabad, dans l'Est. "Nous ne voulons pas de troupes étrangères", "Arrêtez l'Afghanicide!", "Obama, retire tes troupes d'Afghanistan": les slogans sont clairs, écrits en persan et en anglais, à l'attention de la presse occidentale. "Les meurtres de civils dans le Kunar, le Laghman et ailleurs, doivent cesser! La nation afghane ne supporte plus ce genre de choses", explique Fazan ul-Haq Fazlin, 37 ans, professeur à l'université de Kaboul. Depuis lundi, le gouvernement accuse les forces étrangères d'avoir tué dix civils, dont huit adolescents, lors d'une opération samedi dans la province de Kunar (Est). L'accusation a porté, et poussé, hier plusieurs centaines de gens dans la rue. "Sur le mois passé, il y a eu au moins trois incidents où des civils ont été tués par les forces de l'Otan ou par les soldats américains", affirme Sayed Khalid Rashid, l'organisateur de la manifestation, en comptant celui de Kunar. "Nous voulons qu'ils mettent un terme à ce massacre cruel de notre peuple. Les Etats-Unis et l'Otan devraient arrêter la guerre au lieu d'envoyer de nouvelles troupes pour tuer encore plus d'Afghans innocents", dit-il. Depuis le début de l'année, trois fois plus de civils ont été tués par les insurgés que par les forces afghanes et internationales, selon l'ONU. Mais les manifestants n'en ont cure. "Il n'y aurait pas de civils tués par les talibans s'il n'y avait pas d'Américains en Afghanistan. Ils sont responsables. Leur seul présence provoque ces incidents", estime Fazan ul-Haq Fazlin. Et d'ailleurs, estime-t-il, "on ne peut pas rejeter les talibans en bloc", car "parmi les talibans, il y a des personnes qui travaillent pour la paix". "Nous ne sommes pas des talibans, mais il doit y avoir un processus de réconciliation. Les talibans doivent pouvoir revenir sans être inquiétés", abonde Sayed Khalid Rashid, l'un des leaders de la manifestation. A quelques mètres de là, sur le trottoir, de jeunes étudiants observent en silence les manifestants. Mohammed Nazir tient à la main un cahier bleu distribué par l'Unicef. Il a 22 ans. "Ces bombardements inutiles ne devraient pas avoir lieu. On devrait pouvoir se venger", dit-il calmement. "Même les civils tués par les talibans, c'est de la responsabilité des forces étrangères. Talibans et Américains devraient s'asseoir à la même table et négocier", ajoute-t-il. A Jalalabad, les centaines d'étudiants mobilisés ont été plus virulents. Ils ont brûlé un drapeau américain et une effigie du Président américain Barack Obama. Et prévenu que si leur gouvernement n'empêchait pas ces "opérations unilatérales", ils pourraient lâcher leurs stylos et se mettre eux aussi à combattre les forces internationales.