"L'Antiquité rêvée. Innovations et résistances au XVIIIe siècle", qui a ouvert ses portes hier , illustre à travers 157 œuvres la façon dont l'Europe s'est ressourcée auprès du passé antique, l'Angleterre et l'Italie se montrant les plus précoces ( dès les années 1720-1730). La France est touchée un peu plus tard par ce mouvement. Il est vrai que c'est elle qui a inventé "l'art rocaille" à la fin du règne de Louis XIV (mort en 1715). "C'est un style du bonheur, de la fantaisie, un peu frivole, un peu féminin et qui a exercé une influence énorme en Europe", déclare Marc Fumaroli, académicien français, qui a eu l'idée de cette exposition avec Henri Loyrette, président-directeur du musée du Louvre. Les tableaux de François Boucher (1703-1770), qui peint des créatures joyeuses aux chairs roses et épanouies, sont en quelque sorte "la quintessence de cet art rocaille" que certains finissent par trouver "décadent", relève Guillaume Faroult, l'un des commissaires scientifiques de l'exposition qui se tient jusqu'au 14 février. "Autour des années 1740-1750, un certain nombre d'amateurs influents se mettent en tête de réformer les arts français afin de donner de la Nation et de la monarchie une idée plus grave, plus austère, plus civique", avance M. Fumaroli. L'Europe est alors en pleine redécouverte des villes romaines d'Herculanum et de Pompéi. Un personnage va jouer un rôle important dans ce tournant du goût: le comte de Caylus (1692-1765), qui invite à retrouver "le grand, le sublime et par conséquent le simple". Des peintres comme Joseph-Marie Vien, des sculpteurs comme Edme Bouchardon se mettent à travailler d'après l'antique. Mais dès 1760, des contre-courants se forment: néobaroque, néomaniérisme et veine "sublime" (Johann Heinrich Füssli). Peu à peu, surtout après la parution en 1764 du livre "Histoire de l'art chez les Anciens" de Johann Joachim Winckelmann, le retour à l'antique se teinte de politique. Dans cet ouvrage, le penseur allemand vante l'immense liberté dont disposaient les artistes grecs. "Le néoclassicisme prend alors en France une saveur de plus en plus critique de la monarchie absolue", souligne M. Fumaroli. "C'est un art de la gravité, de l'héroïsme, de la vertu civique. Il a su épouser la Révolution, décorer le directoire, illustrer le consulat et donner à l'Empire napoléonien son décor", résume l'académicien. De marmoréen, le néoclassicisme devient plus martial. "Apparaît alors la notion d'une Antiquité extravagante, noire, qui touche au sublime", déclare à M. Loyrette, commissaire général de l'exposition avec M. Fumaroli. "Le Serment des Horaces" de Jacques Louis David (1748-1825), très grande toile réalisée en 1784, est "une œuvre où palpite le sang", souligne M. Faroult.