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Mohamed L…, ou les gisements du génie tunisien..
La chronique de Youssef SEDDIK
Publié dans Le Temps le 31 - 12 - 2011

Au long de ma carrière d'enseignant en France, j'ai eu affaire à des dizaines de ces jeunes tunisiens et tunisiennes dont l'intelligence, l'ambition et le désir d'inventer du neuf étonnent et réjouissent. Etudiants dans tout genre : j'en ai connu directement et dans l'intimité de ce rapport sublime entre l'enseignant que j'étais et le disciple qui ne vénérait en ma personne que le Savoir que j'étais censé lui transmettre tout en l'incitant à me dépasser.
Telle cette Amel J… qui luttait avec les concepts et les références académiques pour une étude comparative sur Mesaadi et Nietzshe, tel encore ce Aberraouf O…, après avoir terminé un master de paysagiste, entame à partir de zéro des études en ethnomusicologie, tel enfin ce Ady S… en pleine préparation d'un concours d'agrégation de maths à l'ENS, s'entête à terminer sa lecture de La Recherche du temps perdu de Marcel Proust. Je peux en citer encore de nombreux exemples de jeunes gens aux universités de Paris, Lyon , Lille, Bordeaux ou Aix-Marseille dont l'intelligence a exposé en un joyeux feu d'artifice créateur dès qu'ils ont quitté une Tunisie où le prof méprise très souvent son élève, exploite à mort ses parents rien que pour le goût hideux de lucre, rien que pour se donner une autorité cache-sexe qui dérobe à l'espace public son ignorance et son ignominie de pseudo-enseignant. Toutes mes excuses pour les quelques exceptions dont le combat a été enseveli sous les gravats d'une éducation nationale qui ne produit plus que ces malheureux chantres de ce laid slogan bien connu : «Que tu étudies ou pas, l'avenir n'est pas… !», «Takrawallamatakrach el mostakbelmafamech…!»
Hier, le père de Mohamed L… m'a annoncé que son fils venait d'avoir brillamment son diplôme de fin d'études la plus prestigieuse des écoles supérieures de la photo de France, l'école Louis-Lumière. J'ai suivi pas à pas l'itinéraire de ce jeune homme. Me connaissant sans m'avoir jamais vu à travers informations et anecdotes relatées par son père, un camarade de lycée de mes premières années à Sadiki, il m'a longtemps cherché comme s'il m'avait déjà trouvé. Dangereusement révolté contre le système de l'enseignement en Tunisie, il a obéi aux règles mécaniques de l'orientation et au harcèlement de ses parents en acceptant de faire une prépa et même quelques années pour devenir ingénieur, puis il a interrompu ces études-là au grand désespoir de sa famille. Il ne voulait faire que de la photo, et qui plus est, très précisément à l'école Louis-Lumière à Paris. Pendant longtemps, on s'était résigné à le prendre pour un égaré, ou du moins pour un incorrigible révolté qui s'apprête à « se casser la gueule ». L'école Louis-Lumière en effet ne prend en vertu d'un concours fort difficile que 16 lauréats dont un seul non-français. Mohamed, tout seul, a préparé le dossier de sa candidature, entrepris les démarches, réussit brillamment à l'écrit et …recalé à l'oral de l'admission définitive… Cet échec n'a pas réduit d'un iota sa détermination, c'est à ce moment de déception, toute provisoire dans sa tête, que j'ai fini par le rencontrer. J'ai enquêté auprès de mes collègues enseignants à Louis-Lumière pour connaître les raisons de son échec premier. Et j'ai su. A l'épreuve principale de son oral, il devait répondre, en développant, à la question : « Que feriez-vous une fois promu de cette école ? ». L'erreur de Mohamed est d'avoir vu pas tellement trop grand en livrant sa réponse mais plutôt à côté, tout à fait à côté. Il a dit à ses examinateurs qu'il voulait sauver du naufrage « le noir et blanc », véritable vocation, selon lui de l'art photographique. Un hardi défi, mais digne de Don Quichotte, certainement pas d'un sérieux candidat d'un pays pauvre en tout, victime d'un exil forcé dans une Europe qui ne saurait avoir besoin de lui pour sauver les arts du monde. Mohamed a bien assimilé sa leçon en revenant à la charge l'année d'après. A la même question qu'il avait fait trébucher l'an passé, il a donné la réponse inverse : « Ce que je ferai une fois promu ? Eh bien, je rentrerais en Tunisie, pour aider mon pays et les miens à instituer une véritable tradition de l'art photographique ! » Et c'est ainsi qu'il a été admis. Et c'est ainsi que maintenant, après des années d'études, il a son diplôme « dans la boîte » comme disent photographes et vidéastes.
L'histoire de Mohamed L…, en cet an I de la révolution, n'est pas seulement une fable, il doit nous servir de sentences, d'une véritable parabole d'Evangiles. Il suffit d'y croire, d'avoir la foi en ces milliers et milliers de jeunes, et de nous dire, nous leurs aînés, que nous ne devrions être qu'à leur service et au service d'un génie potentiel qui leur est propre, celui de ce pays passionnément épris de la seule richesse qui vaille, celle de l'esprit et du Savoir.


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