• Soirée hommage à Naâma (en prélude) au Théâtre municipal (20h30) La musique tunisienne aborde ce soir une phase clé de son histoire. A l'instar du cinéma et du théâtre, elle met désormais en place ses propres «Journées». Un événement bisannuel, embrassant toutes les disciplines instrumentales et vocales, formes et genres, ouvert aux musiques d'ailleurs, et s'inscrivant dans la perspective des grands rendez-vous artistiques. Ce «virage» n'a rien de fortuit. Les JMC interviennent en quelque sorte à un «moment de nécessité». Notre musique était, jusque-là, confinée dans le chant et la chanson. Pour toute manifestation particulière, elle ne se prévalait que d'un festival local, au fil des éditions, de moins en moins prolixe et de plus en plus sujet à controverses. Elles naissent, aussi, à l'époque de la révolution des communications et des tehnologies de l'édition musicale. Les satellitaires sont légion et les cultures se fondent et se confondent à travers l'espace internaute. Les publics ont également muté. Nos jeunes générations ne se contentent plus de la chanson traditionnelle. Ils raffolent de rap, de techno, ils découvrent des sonorités lointaines, des expressions musicales différentes. Les JMC se veulent une réponse à ces nouvelles réalités. Croire au projet Phase clé ? Oui. La musique tunisienne ne peut plus envisager d'avenir que dans l'éclatement des sensibilités musicales, l'ouverture aux musiques et aux musiciens du monde, les bonds en avant, les défis à la modernité. Impossible d'avancer dans la création musicale, impossible d'élargir l'horizon de nos créateurs, impossible de capter des audiences, ici comme ailleurs, si cette musique reste là où elle était. C'est-à-dire recroquevillée sur elle-même, dépendante de sa vieille pratique chansonnière. Ce ne sera pas une partie facile, bien sûr. Les nostalgiques du vieux festival ne s'en laisseront pas conter de si tôt. On se souvient, néanmoins, que les débuts des JCC et des JTC avaient connu autant sinon plus de «résistances». Avec le temps, elles ont fini par gagner leur pari. C'est ce qui attend nos musiciens et principalement notre élite musicienne. Ils devraient croire au projet, patienter, tenir bon. Il n'est pas d'usages immuables. Ce qui était règle hier, peut fort bien être dépassé demain. On garde ses attaches Le programme de cette première édition offre-t-il à espérer ? Premier point positif : c'est un programme qui tient à des idées de base. La compétition, d'abord, n'est plus dominante. Il y aura, certes, des concours, mais fondus dans le tout (juste 10% de l'ensemble), ceux-ci seront probablement «dédramatisés». Qui plus est les allocations sont revues à la hausse et la sélection a été plus exigeante. Le principe est copié sur les JCC et les JTC : on focalise sur les prestations et les œuvres, les rivalités et les concurrences viendront après. Un beau choix de concerts par ailleurs. L'hommage à Naâma, pour commencer (ce soir à 20h30, au Théâtre municipal). Geste de fidélité et de reconnaissance à une des plus grandes artistes de la Tunisie indépendante. Et preuve que transmission est faite. On va de l'avant mais on garde ses attaches. Toute une philosophie. Les autres affiches proposent quasiment le nec plus ultra de la place. Il y aura Bouchnaq (et ses invités arabes), Sabeur Rebaï, Ziad Gharsa, Sonia M'barek, Soufia Sadok (pour la clôture). Et contre «cachets modiques», précisent fièrement les organisateurs. Ce n'était pas le cas du temps du Festival de la chanson, il est vrai. On verra aussi à l'œuvre, et en représentation unique, Chahrazed Hellal et Hassen Dahmani : la relève de qualité. De même que des chanteurs moins «classiques», tels Amal Mathlouthi et Mounir Troudi. Ces concerts seront répartis sur quatre lieux, en pré-matinées, matinées et soirées. Palette éclatée pour le public, à l'exemple encore des JCC et des JTC. Musiques et chants maghrébins, arabes, africains et occidentaux : le choix paraît également de réel intérêt. On pourra écouter, dès demain, le Libanais Mouïn Chérif, disciple de Wadie Essafi, grande voix classique, un peu oubliée par la faute des grands éditeurs beyrouthins. Hamam Khaïri, aussi, (lundi), digne émule de Sabah Fakhri, très apprécié ici. A ne pas rater encore, des solistes de talent et de renom, comme Nassir Chemma (luth), Zahreh Joya (Afghanistan). Idem pour les orchestres de Gerardo di Lell (Italie) et surtout Bassekou Kouyati (Mali). Fidélité, diversité, ouverture, les premières Journées musicales de Carthage entendent aller d'emblée à l'essentiel : être, avant toute chose, un lieu de rencontre des musiques et des musiciens. Une page se referme une autre va s'écrire. Bon vent !