Le chef d'Etat tunisien destitué, Zine El Abidine Ben Ali, et sa famille possèdent-ils en France des "biens mal acquis" ? Les deux organisations non gouvernementales (ONG) qui ont récemment obtenu l'ouverture d'une enquête visant trois chefs d'Etat d'Afrique subsaharienne estiment qu'il existe "des présomptions portant sur l'accumulation illicite de richesses" par les intéressés. Les associations Sherpa et Transparence internationale France spécialisées dans la dénonciation de la délinquance économique devaient donc déposer, hier, une plainte devant le procureur de la République de Paris visant les délits de "recel et blanchiment de détournement de fonds publics". Cette démarche à laquelle s'est associée la Commission arabe des droits humains, vise à obtenir l'ouverture d'une information judiciaire aboutissant au gel des avoirs éventuellement détournés par la famille Ben Ali et situés en France, ainsi que leur restitution, "une demande urgente exprimée par le peuple tunisien", selon Me William Bourdon, président de Sherpa. La plainte demande que soit entrepris "un recensement exhaustif des biens (mobiliers et immobiliers) appartenant aux membres des familles Ben Ali et Trabelsi", y compris "par l'intermédiaire de prête-noms". Les plaignants citent les informations de la presse estimant à 5 milliards de dollars la fortune des Ben Ali qui "ne serait pas le fruit des seuls salaires et émoluments perçus (...) en qualité de président de la Tunisie". Un immeuble à Paris, un chalet à Courchevel et des villas sur la Côte d'Azur sont mentionnés. Le 15 janvier, le porte-parole du gouvernement français, François Baroin, avait indiqué que Paris se tenait "à la disposition des autorités constitutionnelles tunisiennes pour voir autant que de besoin, ce qu'elles souhaitent, s'agissant des avoirs immobiliers de Ben Ali ou de son entourage". Ces déclarations sont considérées par les plaignants comme une reconnaissance de la réalité du patrimoine détenu par les Ben Ali en France. Mais ils jugent inopérante la promesse faite par M. Baroin de "prendre les dispositions nécessaires" pour bloquer la fuite de ces avoirs.