D'aucuns n'ont pas manqué de remarquer, et à juste titre, que la télévision publique demeure en marge du nouveau processus et des profondes mutations que le pays connaît. La «boîte», comme certains la surnomment avec une pointe d'ironie, cultive toujours la sclérose et l'inertie. Du moins reste à la traîne, car étroitement contrôlée par ceux-là mêmes dont le statut, les privilèges et les promotions indus sont étroitement liés aux hérauts du régime déchu. Agrippés à leurs fauteuils, ils campent, imperturbables, sur leurs positions. Insensibles aux critiques, ils n'incarnent en fait que la partie visible d'un vaste système aussi monstrueux qu'indéfiniment tentaculaire. Qui les soutient et d'où tirent-ils leur force ? Qui, tapi dans l'ombre, tire les ficelles en maintenant en place, par-delà un pernicieux simulacre de changement, ce statu quo indéboulonnable ? Résistant à ce souffle général de liberté, comment et pourquoi cette citadelle reste imprenable, malgré les secousses telluriques et les incessants coups de boutoir ? Disons-le crûment — à l'instar de tant d'autres — quels desseins secrets se profilent derrière la dernière nomination à la tête des deux chaînes nationales de responsables intimement liés à l'ancien régime et qui, de toute évidence, n'ont jamais particulièrement brillé par leur compétence ni par leur parcours au-dessus de tout soupçon. Incorrigibles et sitôt installés, les voilà nous balançant au visage d'anciennes têtes qu'on croyait à jamais bannies du petit écran. Et, comble de l'indécence, de simples animateurs de pôles variétés pour midinettes, les voici officiant dans le cadre de débats politiques, apostrophant insolemment un ministre ou coupant vertement la parole à d'éminents juristes! Incompétence professionnelle, diront les uns. Plutôt, conduite sciemment adoptée ayant pour objectif de déstabiliser et décribiliser les nouveaux responsables fraîchement exposés aux projecteurs et peu rompus à la technique de la communication et aux passe-d'armes périlleuses du débat. Aujourd'hui, la restructuration de l'ERTT recueille l'unanimité et s'impose comme une urgence des plus pressantes. Bien sûr, dans la concertation, la transparence, devant inclure la participation d'un large panel de spécialistes du secteur, mais aussi de différentes sensibilités politiques, sociétales et artistiques. Une fois accomplie, bien des doutes seront dissipés, des barrières levées, des gestions assainies… et le professionnalisme finira corollairement par triompher. Cela ne manquera pas, sans nul doute possible, d'atténuer, et pourquoi pas, de faire disparaître, une bonne fois pour toutes, la désaffection des téléspectateurs. Une légère, mais combien fugace, éclaircie avait pourtant pointé les premières semaines de la révolution. Les vieux réflexes, impatients de fermer la parenthèse, l'ont vite dissipée.