Couleurs vives et acides, silhouettes orientales, ingénuité, nostalgie, souvenirs éveillés, clair-obscur et un voyage hors du temps. Voilà ce que montre l'exposition « Entrée libre » de l'artiste peintre Tahar Aouida à la galerie Semia-Achour. Les dix-huit palettes dévoilées dans cette exposition, qui se poursuit jusqu'au 20 mars, donnent à voir un carnaval pittoresque où peinture et poésie riment ensemble, invitant le spectateur au rêve. En franchissant le seuil de la galerie, l'œil et son regard ne peuvent échapper à la lumière ruisselée par «Clair de lune». Une toile où l'on perçoit des demeures face à la mer, reflétant le clair de la lune, une végétation légère et un cheval taché de bleu galopant au niveau de la perspective cavalière. Dans «Le coup de lune», l'accent de lumière sur une mer agitée et un village rêvé à l'ombre de deux palmiers intervient pour faire étinceler les vagues, illuminer la toile et donner son sens à la composition. L'émotion naît, en effet, de ce trait de lumière qui sculpte les volumes d'une surprenante simplicité, à la fois réaliste par sa minutie et merveilleux par ses accents poétiques. Le peintre semble avoir fixé un instant, un effet, pour accomplir son dessin et démontrer, par la suite, que la peinture est avant tout une lumière, une quête de l'absolu, une saisie de l'insaisissable et un miroitement de l'âme, là où il fait beau. La tache bleue, ornant le cheval qui galope entre mer et terre, fait songer à un conte de fées ou bien encore à une histoire extraite des Mille et Une Nuits. La lumière traverse tout et donne à la scène une dimension poétique immatérielle. «Entrée libre» serait un hymne à la création et à la vie, une fusion du rêve et du réel et une symbiose passionnément recherchée entre la candeur du geste et la «tyrannie» de la couleur. De ce point de vue, «Fantasia» en dit plus. Sur la toile, figurent cinq chevaux en pleine course, montés par cinq cavaliers dissimulés par une lumière venant d'en haut qui se présente comme une fenêtre ouverte, une brèche d'espoir dans un paysage sombre. Un espace où l'on peine à saisir le temps et où le blanc s'avère une expression de toutes les couleurs, se place au cœur de la toile et rythme le reste des couleurs sombres. Avec le jeu du clair-obscur, l'atmosphère de songe et de mélancolie qui y règne relève d'une sensibilité romantique. Le peintre choisit un instant fugace et rare : le coucher du soleil pour évoquer une course de chevaux, une invitation à l'envol et un hymne à la liberté, si l'on veut. Ces harmonies chromatiques, où le peintre invite le spectateur à se noyer dans la couleur, caractérisent la toile intitulée «La rose des sables», où apparaissent trois femmes voilées dont une en bleu face à un paysage déserté, presque apocalyptique. Trois silhouettes dont la candeur du geste épouse la sobriété de la couleur cheminent vers des contrées incertaines. Cette incertitude est véhiculée par un oranger terne sur fond noir. Toutefois, en se focalisant sur l'arrière-plan de la toile, l'on parvient à repérer certains rais de lumières permettant d'apaiser l'aspect mélancolique de la toile. Une manière de privilégier le silence face à l'aveu des couleurs. Une palette dont la beauté de la création ne cache pas la dureté du vécu. Un tableau qui interpelle, mais qui aurait intrigué davantage si l'on y avait adjoint un petit détail avec un accent de lumière : une fleur… un moulin tournant… pour évoquer la beauté de la vie et la fugacité du temps.