• 40% de la population du gouvernorat de Kairouan ont moins de 25 ans. Cette jeunesse n'est pas satisfaite. Et pour cause! Outre le chômage qui touche 21% des jeunes, l'abandon scolaire dans le secondaire qui touche 12% des lycéens, la petite délinquance et le manque d'encadrement, les jeunes Kairouanais regrettent leur faible engagement politique et social. Leurs préoccupations, nous les touchons à travers cinq d'entre eux, âgés entre 19 et 30 ans. Waël Romdhani, étudiant‑: «Il est évident que les jeunes Kairouanais ne vivent pas sous un ciel parfaitement serein, surtout qu'il y a une séparation rigide entre la jeunesse affichée à différentes associations et celle qui ne l'est pas. Je souhaiterais qu'aujourd'hui, grâce à la révolution, tous les jeunes qui n'appartiennent pas à une ONG, mais désirent néanmoins avoir des contacts avec leurs camarades, puissent le faire librement et fréquenter les centres de jeunesse et les différents clubs pour se consacrer à ce qui les intéresse. Un autre facteur inquiétant est la délinquance juvénile puisqu'un quart des condamnés est âgé de moins de 22 ans. Pour prévenir ce mal, les pouvoirs publics doivent se livrer à un travail informatif auprès de ceux qui ne disposent pas d'une formation scolaire et professionnelle…». Samir Gharsallah, diplômé sans emploi depuis 8 ans‑: «Personne n'ignore que le piston est le moyen le plus efficace pour obtenir un emploi. Il faut que cela cesse maintenant. Je voudrais que la justice sociale règne dans toutes les régions afin de permettre aux jeunes d'assumer leurs responsabilités et de s'intégrer de manière efficiente dans la vie publique et dans le processus de développement». Wafa Mtiri, 17 ans, lycéenne‑: «Ce qui me tracasse, c'est le fait de remarquer, que de nos jours, certains parents ne s'occupent pas comme il se doit de leurs enfants, d'où le phénomène de la solitude, de la dépression et de la délinquance. Il faudrait, à mon avis, penser à créer une institution qui veille sur les jeunes si les parents manquent à leurs obligations. En ville, comme à la campagne, ce genre d'assistance pourrait remédier aux situations de détresse sur le plan éducatif et sentimental et apporterait des solutions à ceux qui sont confrontés à l'enlisement moral et physique et à l'ennui. En outre, j'aimerais qu'on instaure la séance unique au sein des lycées afin que les élèves consacrent l'après-midi aux activités sportives et socio-culturelles». Ali Selmi, élève dans un lycée à El Ala‑: «Ici, en milieu rural, on s'ennuie à mourir pendant les vacances. On ne sait pas où aller, d'autant plus que les activités organisées au sein de la maison de la culture sont très banales. La routine de nos journées a autant de rigueur que le rythme des saisons : le moindre écart nous jette dans l'extraordinaire. Personnellement, il m'arrive de passer des heures sous un arbre, à me régaler de lecture, je lis n'importe quoi tout en regardant s'allonger les ombres et voleter les papillons…» Ridha Allani, mécanicien : «Mon ambition en cette nouvelle étape est de voir enfin le travail valorisé, l'initiative privée stimulée et l'esprit de l'autoprise en charge mise en avant. Ainsi, on pourra trouver des moyens pour rompre à jamais avec la mentalité d'assisté, loin de toute marginalisation. Par ailleurs, il faudrait encourager le bénévolat notamment en matière d'environnement et les échanges de visites intergouvernorats pour prendre connaissance des réalisations accomplies dans tout le pays…» Frej Rebhi, jeune commerçant : «Depuis la révolution du 14 janvier, j'ai beaucoup apprécié le vent de liberté qui a soufflé sur les moyens d'information. Mais je constate que certains débats télévisés deviennent trop ennuyeux avec des règlements de comptes en direct et la chasse aux sorcières. De plus, je trouve que les citoyens exagèrent en voulant renvoyer tous leurs responsables et le mot «Dégage» devient ridicule dans certaines situations surtout lorsqu'on s'adresse à un chef d'entreprise privée!»