Alors que l'attention était concentrée sur des sit-in à Tunis, particulièrement à la Kasba, de la part de personnes ayant des demandes dont elles ne comprenaient pas grand-chose, la Tunisie faisait face à une tragédie ayant lieu à sa frontière avec la Libye. Depuis le 20 février à ce jour, plus de 110 000 réfugiés fuyant le chaos en Lybie ont franchi la frontière tunisienne. Dès cette date, la population de Ras Jedir, de Ben Guardane et de toute la région s'est mobilisée pour porter assistance à ces refugiés de différentes nationalités. La mobilisation a concerné les populations d'autres régions qui, spontanément, se sont engagées pour apporter leur aide. Puis, les organisations nationales et internationales sont intervenues pour faire face à cette tragédie et en résoudre les problèmes. Il suffit de franchir la frontière pour avoir de l'eau, du pain, du yoghourt et trois repas par jour garantis. Gratuitement. L'Armée tunisienne, le Croissant-Rouge tunisien, les responsables de la Santé publique, la Protection civile tunisienne, des organismes divers comme Tunisair, Tunisie Télécom, Tunisiana, le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (Unhcr), l'Unicef, l'ONU, l'Union européenne, l'Organisation mondiale de la santé (OMS), l'Organisation mondiale de l'immigration (OMI) et plusieurs ONG sont présents dans la région, œuvrant de concert. La solidarité du peuple tunisien et le savoir-faire de l'armée ont permis de gérer une situation imprévue et intenable pour assurer aux réfugiés une prise en charge totale. Plusieurs organisations de pays frères et amis ont apporté leurs contributions pour transférer les réfugiés vers leurs pays d'origine. Les bénévoles venus de plusieurs gouvernorats du pays ont eu la louable initiative de procéder à une campagne de propreté à proximité des tentes dressées pour les réfugiés, l'état des lieux étant favorable à la propagation des maladies contagieuses. Le Dr Salem Rakik, directeur régional de la santé publique à Médenine, estime que les structures tunisiennes de santé, le Croissant-Rouge tunisien et l'OMS ont mobilisé des moyens logistiques et humains pour prévenir une éventuelle dégradation de la situation sanitaire au camp des réfugiés où seuls quelques cas de diarrhée et de gale ont été enregistrés. 22 cabines de douche et de toilettes ont été installées sur le camp pour éviter les maladies dues au manque d'hygiène. Il a salué les efforts déployés par l'Armée nationale et les unités de contrôle d'hygiène qui servent, quotidiennement, 51 mille repas aux réfugiés. Il a ajouté que grâce à leur vigilance, aucun cas d'intoxication alimentaire n'a été enregistré. Les témoignages sur ce qui se passe à Ras Jedir et dans toute la région sont nombreux. Ainsi Ivan Gayton, de Médecins sans frontières, estime que «ce qui me frappe le plus, c'est la magnifique réponse de citoyens ordinaires tunisiens, du personnel soignant comme des mères, qui viennent leur apporter des repas et du bois pour se chauffer la nuit. Ils disent qu'ils veulent ainsi les faire participer au printemps arabe». La sous-secrétaire générale de l'ONU pour les affaires humanitaires, Valerie Amos, en visite à la frontière entre la Tunisie et la Libye, confrontée à un afflux massif de réfugiés, a remercié les autorités tunisiennes pour avoir permis à plus de 100 000 personnes de fuir la Libye et de passer en Tunisie, où un pont aérien a été mis en place pour les rapatrier vers leurs pays. Il se trouve, cependant, une chaine de télévision arabe, bien intentionnée, qui a repris une information, non vérifiée, d'un tabloïd anglais, affirmant que «‑les réfugiés égyptiens étaient maltraités‑». Information qui fut par la suite démentie. Un journaliste algérien, Abdelghani, travaillant pour la première chaine allemande, témoigne des reportages qu'il a effectués : « un boulanger de Ben Guerdane a travaillé 24h/24 pour fournir dix fois plus de pain que sa production normale et il offrait ses pains gratuitement »; « un Egyptien m'a dit qu'il était très fâché de quitter la Tunisie et le bon peuple tunisien » ; « ce qui m'a le plus impressionné c'est cet homme qui préparait des litres et des litres de thé, de diverses sortes (thé vert ou rouge), de différents goûts (très sucré, moyennement sucré) et de l'offrir aux réfugiés gratuitement et avec le sourire ». C'est aussi cela le peuple tunisien : celui qui ronchonne, certes, et qui est fier de sa révolution et de sa liberté retrouvée ; mais c'est aussi celui qui offre du thé vert ou rouge, gratuit. Et avec le sourire.