De notre correspondant à Ras Jedir Ridha MAAMRI • 2 à 3 minutes de communication pour chaque réfugié • Des milliers de repas chauds Tout le monde retient son souffle au camp des réfugiés de la Choucha, à 6,5 kilomètres de Ras Jedir. Certes la situation est jusqu'à hier maîtrisée, la cadence des entrées et le rythme des rapatriements maintiennent un équilibre du nombre global des réfugiés dans le camp, mais on s'attend à tous les scénarios. A court d'informations, tout le monde s'inquiète de ce qui se passe de l'autre côté de la frontière. D'ailleurs, la peur, le silence, le refus de parler des dernières vagues de réfugiés, sous prétexte qu'ils ont laissé des compatriotes et des membres de la famille en Libye, alimentent ces inquiétudes. Pour mieux évaluer la situation et pour en savoir plus concernant les services rendus aux réfugiés, on s'est adressé à des responsables de certaines organisations internationales. M Ichraf Keyel, responsable des relations publiques à l'Agence des Nations unies pour les réfugiés, (l'Unhcr), a relevé : "En collaboration avec l'armée tunisienne et le Croissant-Rouge, on a dressé 2.300 tentes capables d'abriter 15.000 personnes. Avec le concours de l'Organisation mondiale des immigrés, on est en train de louer des avions pour rapatrier les réfugiés. On espère une réaction favorable de la communauté internationale, comme ce fut le cas pour les Egyptiens. Enfin, nous sommes habitués à travailler en état d'alerte et nous sommes toujours prêts à tous les scénarios." Pour ce qui est des besoins en nourriture, on s'est adressé à Melle Reem Nada, responsable de communication au Programme alimentaire mondial (PAM), qui a avancé‑: "Nous sommes très préoccupés par la situation au-delà de la frontière. Mais comme à l'accoutumée, nous sommes prêts à tous les scénarios. En collaboration avec le Croissant-Rouge tunisien et l'armée tunisienne et les volontaires, on a dressé une grande tente comme une centrale de distribution de plus de 10.000 repas chauds par jour. Ces derniers jours, on a remarqué un problème d'hygiène, mais la situation est en train de se rétablir. Avec la baisse de l'affluence des réfugiés, notre tâche est devenue plus facile, ce qui nous a permis de redéployer nos ressources, et mettre en place plusieurs blocs sanitaires". Au voisinage, sous la tente du Secours islamique France, Olivia Chouquet, attaché de presse, déclare que‑ "depuis 20 ans, notre mission est d'apporter de l'aide aux plus démunis. Nous œuvrons sur trois domaines d'activité‑: la sécurité alimentaire, l'eau, l'hygiène et l'enfance". Pour ce qui est de leur plan d'actions à Choucha, Mme Narjes Ben Mlouka, responsable des programmes internationaux, a affirmé que‑"suite aux évènements en Libye, nous nous sommes installés en Tunisie pour intervenir sur trois plans. Premièrement, on assure la distribution alimentaire pour 3.000 personnes (le petit-déjeuner, un plat chaud) et on va porter la distribution à 4.500 personnes. Deuxièmement, on a construit 80 latrines. Troisièmement, on a mobilisé des groupes de réfugiés pour nettoyer le camp et sensibiliser à la préservation de la propreté des tentes et des alentours". Manque d'assistance psychologique Concernant l'évolution de la situation, elle a ajouté‑: "Bien que la situation soit stable, on s'attend à une arrivée massive de réfugiés. Pour se préparer, on a constitué un stock de couvertures de produits alimentaires…Il convient de préciser que de nombreux bénévoles de l'association tunisienne Attaaoun, nous ont apporté une aide précieuse dans nos activités". Dans la tente de "Médecins sans frontières", Ivan Gayton, coordinateur de l'urgence de Médecins sans frontières, a déclaré‑: "Nous sommes complètement indépendants, neutres et impartiaux. Depuis 1971, on fournit des soins gratuitement, notamment aux personnes les plus vulnérables et les plus pauvres, sans aucune discrimination de couleur, de race, ou de religion. C'est nous qui évaluons les situations et qui préparons les plans d'action selon des critères médicaux et humanitaires, sans aucune intervention politique ou gouvernementale". Pour ce qui de la situation au camp des réfugiés, il a ajouté‑: "Pour l'instant, la situation est maîtrisée. La majorité des réfugiés est en bonne santé‑: des jeunes hommes, des travailleurs, des gens robustes. Toutefois, malgré les efforts louables de tous les opérateurs, ce qui manque c'est l'assistance psychologique. Pour notre part, on identifie les personnes nécessitant une assistance psychologique dans les tentes du Croissant-Rouge, pour faire le suivi par la suite. A l'heure actuelle, on a une activité minime, mais j'estime que le plus grand besoin est en Libye." Et d'ajouter : "Ce qui est impressionnant, c'est la réponse phénoménale du peuple tunisien. Une réaction généreuse et puissante que je n'ai jamais vue, durant mes années de travail, de la part d'aucune une autre société civile. C'est émouvant." Sous le drapeau des Nations unies, Luigi Bruno précise‑: "On est là pour faciliter la coordination entre les opérateurs. On collecte les informations provenant de toutes les organisations pour les divulguer aux différents utilisateurs. En plus, on essaye de mener des missions d'évaluation de la situation en Libye. Hélas, les conditions sécuritaires ne favorisent pas encore ces travaux. On n'a pas d'informations précises sur ce qui se passe de l'autre côté, mais on se prépare aux différents scénarios. L'arrivée massive des personnes est parmi les alternatives." Devant le camp, tous les opérateurs téléphoniques nationaux, ainsi qu'une organisation internationale, offrent aux réfugiés quelques minutes pour contacter leurs proches. L'un des membres de l'équipe de Télécom sans frontières déclare‑: "Nous sommes une équipe qui vient de France. Nous sommes là depuis 15 jours et notre mission consiste à donner aux réfugiés 2 à 3 minutes de communication pour contacter leurs familles. Nous comptons rester un temps indéterminé". A quelques mètres Motaz Ouled Moussa, attaché commercial, précise‑: "Depuis samedi dernier, Tunisie Télécom a lancé une opération pour permettre aux réfugiés de contacter gratuitement leurs proches, environ 3 minutes pour chacun. Notre stand est fonctionnel de 9h à 17h. En plus des caravanes chargées d'aides, c'est une autre forme d'initiative de solidarité du personnel de TT." Avec les rafales de vent de sable, de plus en plus violentes et aveuglantes, à l'approche de la nuit, les réfugiés ont commencé à tendre les cordes pour renforcer les toiles des tentes. Ils s'apprêtent à passer une nouvelle nuit à Choucha, qui ne sera, sans doute, pas la dernière pour la majorité d'entre eux.