Par Jomaa SOUISSI* La question de la laïcité fait l'objet d'une grande polémique dans le forum politique et social aujourd'hui entre partisans et opposants. L'origine de cette polémique est claire‑: l'acharnement de ces derniers à considérer la laïcité comme la volonté d'attenter à la religion pour promouvoir une sorte d'idéal athéiste synonyme de désert moral et de vide spirituel. Il y a là à l'évidence une incompréhension radicale du principe de la laïcité. Ce principe mérite donc d'être expliqué à celui qui voudrait connaître la chose avant de la juger. Qu'est-ce que la laïcité alors ? La laïcité est avant tout un principe de droit politique qui recouvre un idéal universaliste d'organisation de la vie en commun dans la cité, c'est-à-dire dans l'espace public partagé par un ensemble de citoyens. La séparation entre l'Etat et la religion est le dispositif juridique constitutif de la laïcité, ce qui ne signifie en aucun cas l'hostilité à la religion. Mais cela signifie que ce dispositif est le seul à pouvoir garantir la stricte égalité entre les croyants, les non-croyants et partisans de telle ou telle autre forme de spiritualité. Avec la laïcité, la religion devient, pour son propre épanouissement même, une affaire privée et prend une dimension éthique et spirituelle et non pas politique. Cela constitue l'objectif même de la laïcité qui consiste à libérer l'espace public de toute mainmise qu'elle soit religieuse ou idéologique. Elle fonde des principes universels qui permettent à chacun et à tous de vivre harmonieusement entre eux dans cet espace. Et ces principes, ce sont l'égalité et la liberté pour tous sans favoriser telle ou telle confession, telle ou telle idéologie, tel ou tel groupe de pression. D'ailleurs, l'étymologie du mot même est on ne peut plus éloquente. Du grec "Laos", le mot laïcité signifie "unité du peuple". Unité qui ne peut se réaliser que sur la base de trois exigences‑: la liberté de conscience, l'égalité entre les citoyens quelles que soient leurs différences et la visée du bien général. Précisons pour finir que l'école a à jouer un grand rôle dans l'éducation à la laïcité. Elle doit initier au respect de la liberté de conscience et des libertés individuelles et au respect de principes humains universels. De ce point de vue là, elle doit rester un espace neutre qui ne saurait être ni un espace de conditionnement religieux, ni celui de conditionnement idéologique. Elle doit rester un espace d'apprentissage de l'autonomie grâce à l'usage volontaire de la raison et de l'esprit critique appliqués à toutes les questions dans un horizon universaliste qui exclut tout particularisme et tout sectarisme.