Par Abid Bachraoui* Depuis l'implantation des Industries chimiques Maghrebines (ICM) dans les années 70 ,la région de Gabès est sauvagement ravagée par une catastrophe humaine et écologique à trois dimensions: 1) Mer : des millions de tonnes de boue phosphogypse sont quotidiennement déversées dans la mer provoquant une désertification des fonds marins par la destruction systématique de la faune et de la flore du plus grand golfe de reproduction des poissons en Méditerranée,réduisant au chômage des milliers de pêcheurs et exposant les baigneurs à des brûlures chimiques dont on ne se remettra pas de sitôt 2) Terre : des milliers de m3 d'eau sont quotidiennement pompés et volés à une agriculture oasienne assoiffée et condamnée, chassant ainsi de leurs terres des cultivateurs qui ont déjà beaucoup de peine à s'accrocher à leurs lopins et surtout à leurs palmiers. 3) Air : des gaz toxiques et cancérigènes viennent compléter le tableau en saupoudrant quotidiennement hommes,animaux et végétaux. Partie d'une bonne intention de développer une région déshéritée,l'implantation d'une industrie chimique s'est transformée en une infernale machine de guerre de destruction massive par air, mer et terre : ses stigmates,douloureuses et indélébiles, s'inscrivent sur des corps meurtris: l'unique oasis maritime au monde de l'ampleur de Gabès est ainsi agressée de façon continue et intense. Comme quoi l'enfer est pavé de bonnes intentions. ! Depuis une quarantaine d'années, bien des voix se sont élevées pour dénoncer un tel massacre planifié et annoncé : qu'elles prennent la forme d'études scientifiques volontaires ou commandées à coups de millions de dinars ou qu'elles émanent de simples citoyens réclamant le droit de respirer un air non pollué ,ces voix ont été réprimées,au mieux enfouies au fond des tiroirs et leurs auteurs «classés» La Révolution du 14 janvier saura-t-elle être l'acte de naissance d'une nouvelle ère de réconciliation entre Gabès et son environnement,tous deux gavés de promesses jamais tenues ? Que peut-on faire ? Certes les enjeux – surtout financiers —sont énormes ! Mais peut-on continuer à tuer pour développer ? Les pollueurs ne sont-ils pas les payeurs ? Mais gardons bien les pieds sur terre et la tête —bien haute— sur les épaules pour ne pas déroger à la règle d'or qui veut que ,dans ce domaine comme dans bien d'autres, pour que justice soit faite,les rapports de force doivent nécessairement jouer en faveur de la juste cause. Amen.