A l'heure où les «forces alliées» continuent leurs frappes sur la Libye, on se doit légitimement de douter de la sincérité totale des Occidentaux. En effet, une question vient à l'esprit : cette intervention armée est-elle réellement désintéressée ? En d'autres termes, l'usage de la force militaire a-t-il pour but unique d'épargner au peuple libyen une plus grande catastrophe humanitaire ? De faire triompher la liberté et les droits de l'Homme ? Et, in fine, de le débarrasser d'un dictateur sanguinaire qui, certes, n'est pas fou mais plutôt démoniaque dans la mesure où ses visées autocratiques et sa voracité restent intactes ? L'histoire contemporaine, les calculs géopolitiques bassement matériels, les besoins énergétiques à l'heure où l'énergie nucléaire a du «plomb» dans l'aile, nous amènent à douter de cette sincérité. Car la part du gâteau est alléchante, même si la production pétrolière de la Libye ne représente que 2% de la production mondiale et qu'elle ne constitue que 15% des besoins énergétiques français par exemple. D'autant plus qu'un membre du conseil de Benghazi a révélé sans détour que «lorsque Kadhafi sera renversé pour de bon, une belle part du gâteau sera réservée à la France» (Le Monde du 25 mars 2011). Dans cette perspective, la France, sous l'impulsion (ou en tout cas avec l'accord) des Etats-Unis, se serait-elle attribué le rôle d'accomplir «le sale boulot» ? Certes, il était urgent d'éviter la «reconquête» de Benghazi par les troupes fidèles à Kadhafi. Mais le nombre de civils atteints par les bombardements, même s'il est exagéré par Tripoli, doit inciter à être vigilant et circonscept quant à l'appréciation du bénéfice réel de cette intervention. Car comme l'a montré l'intervention américaine en particulier en Irak, parler de «frappe chirurgicale» est un non-sens total. En effet, aucune frappe militaire aussi sophistiquée soit-elle ne peut éviter les risques dits collatéraux. Aujourd'hui, trois scénarios pour la Libye sont possibles : – Le plus optimiste est celui du triomphe de la liberté et la vraie prise en main par le peuple libyen de son destin. – Le deuxième est celui qui aboutirait malheureusement à la scission de la Libye en Tripolitaine et Cyrénaïque, le Fezzan pouvant faire l'objet de discussions ultérieures. – Enfin, le plus sombre serait «l'irakisation» de la Libye laissant place aux hypothèses les plus pessimistes : irruption des factions extrémistes comme la branche maghrébine d'Al Qaïda avec le risque d'extension à la Tunisie, surenchère armée avec cette fois-ci la participation plus directe de l'Otan (sauf veto d'un ou plusieurs pays), voire des Etats-Unis. Espérons pour le peuple libyen voisin et ami la réalisation du premier scénario. A savoir un chemin vers la dignité, la liberté et donc la démocratie, le même chemin que semblent suivre nos concitoyens.