Par Pierre Beckouche*, Ali Bennasr**, Mohamed Haddar ***, Jean-Yves Moisseron **** Cet article est publié simultanément sur les colonnes du journal La Presse et du quotidien français Libération Le mot clé des événements en cours en Tunisie est «transition», exactement comme d'autres pays de la grande région européenne en ont connu, du fait de l'effondrement de l'URSS et de l'effet de levier que jouait la conditionnalité de l'adhésion à l'UE (Grèce, Portugal, Espagne), signe de la puissance normative de l'Europe dans son voisinage. En ce sens, la Tunisie pourrait devenir un candidat potentiel à l'adhésion : les critères de Copenhague ne sont plus hors de portée; au regard de la géographie économique, la Tunisie est un pays plus européen que bien des pays de l'UE eux-mêmes puisqu'elle fait les trois quarts de ses échanges commerciaux avec l'Europe ; elle partage avec les pays européens un grand nombre de fondements historiques, de traditions culturelles, de normes et d'hommes (diaspora, multiplication des modes de vie associant les deux rives). Le mot clé des événements en cours en Tunisie est «transition», exactement comme d'autres pays de la grande région européenne en ont connu, du fait de l'effondrement de l'URSS et de l'effet de levier que jouait la conditionnalité de l'adhésion à l'UE (Grèce, Portugal, Espagne), signe de la puissance normative de l'Europe dans son voisinage. En ce sens, la Tunisie pourrait devenir un candidat potentiel à l'adhésion : les critères de Copenhague ne sont plus hors de portée; au regard de la géographie économique la Tunisie est un pays plus européen que bien des pays de l'UE eux-mêmes puisqu'elle fait les trois-quarts de ses échanges commerciaux avec l'Europe ; elle partage avec les pays européens un grand nombre de fondements historiques, de traditions culturelles, de normes et d'hommes (diaspora, multiplication des modes de vie associant les deux rives). La Tunisie offre une opportunité exceptionnelle pour l'UE : c'est un pays petit, aux écarts géographiques de richesse limités (rien à voir avec la partie orientale de Turquie dont l'extrême pauvreté nécessitera d'importants fonds structurels si elle entre dans l'UE) ; le PIB par habitant est du même ordre de grandeur que celui de la Turquie. Sa stabilisation macroéconomique était avérée jusqu'en décembre dernier, signe que la Tunisie avait su tirer parti des contraintes positives contenues dans l'Accord d'association avec l'UE ; cela laisse penser que la perspective d'une adhésion accélérera les réformes, comme ce qui se passe en Turquie. Enfin la cohésion nationale reste forte, le niveau de qualification moyen est élevé et étendu à une large classe moyenne. Pour l'UE, la Tunisie pourrait être le laboratoire d'une première adhésion d'un pays arabe. Cela démontrerait qu'il n'y a aucun ostracisme vis-à-vis des pays du Sud et/ou musulmans ; que de nouvelles relations Nord-Sud sont possibles à l'échelle régionale, et d'une manière mieux régulée que dans les autres grandes «régions Nord-Sud», l'Alena et l'Asie orientale; cela stimulerait la transition des autres pays arabes, et freinerait les appétits des Etats-Unis ou des puissances asiatiques sur le Maghreb. Les avantages pour la Tunisie seraient tout aussi importants : dans une mondialisation hyper concurrentielle, cela ancrerait son destin au pôle européen ; elle pourrait mieux négocier avec l'UE de véritables politiques communes (et pas seulement le libre-échange) ; elle bénéficierait de la mobilité des personnes (au lieu des « migrations »). Elle pourrait compter sur les moyens financiers nécessaires pour mener sa transition à son terme, car seule la candidature à l'adhésion représente des concours européens significatifs. Rappelons les montants actuels des subventions et prêts de l'UE : 11 euros par habitant et par an pour le voisinage méditerranéen hors Palestine, quatre fois moins que ce dont bénéficie la Turquie et douze fois moins que les pays candidats de l'ex-Yougoslavie. La question de l'adhésion se pose donc. Que finalement les Européens ou les Tunisiens choisissent d'y répondre négativement est une autre chose. Mais si l'on veut placer l'enjeu des relations entre l'UE et la Tunisie au niveau historique auquel la révolution du jasmin l'a situé, on ne peut l'éluder.