Escroqués par des passeurs à Zarzis, les migrants sont encore «pris en charge» par d'autres passeurs qui leur proposent de les emmener à des tarifs variables : 100 euros jusqu'à Nice, 150 pour Marseille. Des guides pour la montagne s'offrent pour franchir la frontière à pied. Les clandestins qui ont débarqué à Lampedusa, à bord d'embarcations de fortune, sont en majorité des Tunisiens. Mais on compte aussi des Erythréens et des Somaliens venant de la Libye en guerre. Pendant ce temps, à la frontière franco-italienne, des centaines d'autres tentent sans succès d'entrer en France, la destination finale de leur périple. Car il faut savoir que l'Italie est un passage vers la France qui ne veut pas d'eux. 4.000 mineurs à Lampedusa Ils sont 6.200 dont 4.000 mineurs tunisiens sur ce mouchoir de poche de 20 km2 situé à 113 km de la Tunisie. Leur nombre dépasse celui des résidents, qui sont à peine 4.000. Selon Bernardino de Rubeis, le maire, «la mairie peut leur servir 4.200 repas par jour. Cela veut dire que 2.000 d'entre eux ne mangeront pas». Les jeunes Tunisiens qui arrivent pensent que c'est le début d'un grand avenir qui commence pour eux. Ils sont contents mais ne savent pas trop ce qui les attend. Mais c'est en fait le début d'un cauchemar pour eux. On les emmène dans des bus, et on les place dans des centres de rétention où les conditions sont indignes car les structures d'accueil sont saturées. Si l'Italie laisse partir facilement les Tunisiens, ceux-ci sont dirigés vers Vintimille, une ville sur la frontière avec la France sur la route de la Côte d'Azur et troisième étape pour les migrants partis de Tunisie. Après Lampedusa, et le transfert dans des centres d'hébergement provisoires sur le continent — Bari, Foggia, Crotone — d'où il est facile de s'échapper, le train les transporte vers le Nord pour franchir la frontière. Leur rêve, c'est la France : pour retrouver des parents, pour un travail plus facile à trouver sur la Côte d'Azur. Mais la frontière entre l'Italie et la France est un passage plein d'aléas avec une police des frontières française qui a renforcé ses contrôles ces dernières semaines, contrairempent à la police italienne qui laisse passer les migrants vers Vintimille sans vérifier …leur état de santé. Anciennes casernes Après trois semaines de promesses non tenues, le gouvernement italien semble avoir pris la mesure du désastre. Il a affrété cinq car-ferries et un transport de troupes militaires pour évacuer l'île. Reste à savoir pour quelle destination. Les régions sollicitées pour les accueillir répondent que leurs centres d'hébergement affichent complet. Le ministère de la Défense a identifié seize anciennes casernes qui pourraient recevoir des camps de toile. Mais il faut les équiper, ce qui prendra un certain temps. Se pose également le problème de la sécurité. A Mineo, près de Catane, des échauffourées ont opposé des réfugiés afghans bénéficiant de l'asile politique aux Tunisiens, considérés comme des clandestins devant être renvoyés dans leur pays. L'Italie menace la Tunisie d'un rapatriement «massif et forcé» si elle ne fait rien pour endiguer cet exode. À ce jour, les assurances reçues par les ministres de l'Intérieur et des Affaires étrangères, Roberto Maroni et Franco Frattini, n'ont pas été suivies d'effet. Mais ce plan «alternatif» a peu de chances d'être mis en application. Organiser un tel rapatriement sans l'accord de la Tunisie poserait de délicats problèmes de droit international. Le premier ministre Silvio Berlusconi devait se rendre mercredi sur l'île afin d'«évaluer la situation».