• 35 jeunes à la fleur de l'âge y laissent la vie - Le phénomène de l'émigration illégale a repris depuis le 6 mars le devant de la scène ; une seconde vague d'exode massif de nos jeunes compatriotes vers l'île italienne de Lampedusa est en train de défrayer la chronique, particulièrement en Italie où il ne se passe pas un jour sans que toutes les télévisions, publiques et privées, ne transmettent les images de nouveaux immigrants tunisiens débarqués au port de Lampedusa, et sans que les journaux nationaux et locaux, n'en fassent état dans leur édition du jour, avec des titres accrocheurs à la Une, de l'arrivée à Lampedusa des dizaines d'embarcations de fortune provenant de la Tunisie. Cette deuxième vague de fuite en masse intervient à un moment où prévaut dans la région une crise humanitaire des plus aiguës, découlant du conflit sanglant opposant le peuple libyen frère aux troupes loyalistes de Kadhafi. Ces jeunes migrants ont fait des côtes du sud-est leur zone de prédilection pour prendre le large, sachant pertinemment qu'elles sont les moins surveillées au vu de la conjoncture en vigueur qui exige davantage de troupes de surveillance à masser impérativement à la frontière pour parer à toute velléité de nuisance de la part de l'imprévisible Kadhafi. Dans ce contexte, la ville de Zarzis conserve encore son leadership en tant que base d'embarquement de premier ordre, comme lors de la première vague enclenchée à l'issue de l'avènement de la glorieuse Révolution du 14 janvier. Des dessertes incessantes sont organisées quotidiennement au départ de toute la côte s'étendant entre Souihel et Hassi Jerbi. Sept à huit mille jeunes, selon les dires de Mme Margherita Boniver, en visite la semaine dernière à Ras Jdir en sa qualité d'envoyée spéciale du ministre des Affaires étrangères italien, sont parvenus alors à atteindre les côtes italiennes, et certains parmi eux sont déjà en France d'où ils ont fait écho de leur arrivée à leurs proches. Base d'embarquement L'île de Djerba est entrée en lice, emboîtant le pas à sa voisine. Depuis une semaine, ses côtes sont prises d'assaut et servent désormais de bases d'embarquement pour des centaines de candidats à l'émigration clandestine. On imite à la lettre les procédures de prospection du marché et les mêmes modalités techniques et opérationnelles. Comme à Zarzis, un remue-ménage inhabituel est signalé dans certains villages de l'île, à El Grôo, à Guellala, etc.., perceptible à la présence de groupes de jeunes gens aux mêmes apparences vestimentaires. Ils entrent en tractation directe avec des intermédiaires, agissant pour le compte du ou des passeurs et qui sillonnent l'île à bord de voitures de location pour nouer des contacts, planifier des traversées et finaliser des accords de candidature à l'émigration, couronnés par le paiement indiscutable, et en espèces, de la totalité du montant exigé. Des témoignages recueillis auprès de qui en connaissance font état de quelques centaines de jeunes, dont des élèves poursuivant encore leurs études secondaires, embarqués à partir des plages de Sidi Salem et de Sidi Jmour ou même de Houmt-Souk, et qui se trouvent déjà en ce moment à Lampedusa, en attendant d'aller vers un ailleurs connu de tous. Soirée tragique Si beaucoup de nos jeunes émigrés clandestins ont eu la chance de parvenir à bon port, tel n'a pas été le cas pour d'autres à qui une mort tragique avait donné rendez-vous quelque part dans le canal de Sicile. En effet, il y a quatre jours, la nouvelle du naufrage d'une embarcation transportant 40 jeunes Tunisiens était terriblement bouleversante, vu le lourd bilan des pertes humaines : 35 jeunes à la fleur de l'âge ont perdu la vie. Selon le récit des cinq rescapés secourus grâce au passage dans les parages d'une autre embarcation qui était en direction de l'île de Lampedusa, la barque sur laquelle ils se trouvaient s'était renversée aux larges des eaux territoriales tunisiennes, deux heures après leur départ.