«Il ne s'agit pas d'un sit-in, mais d'un acte de protestation», précise le metteur en scène Ezzeddine Gannoun. Ses mots sont dans la continuité du texte intitulé Prélude d'un combat pour la dignité des artistes, signé par les comédiens et les techniciens de l'espace El Hamra, ceux-là mêmes qui forment l'équipe de la pièce The end. Cette pièce est pour l'occasion transformée. Elle est présentée trois jours de suite, du 31 mars au 2 avril, mais sans texte. Il s'agit donc de protester par le silence, puisque celui-ci est, dans le théâtre comme dans le cinéma, un son. L'action va au-delà, dans la mesure où l'équipe ne quittera pas le théâtre pendant ces trois jours. Les citoyens et artistes, de tous bords, ont d'ailleurs été invités à soutenir cette action par leur présence. C'est pour eux et pour l'avenir de l'art en Tunisie que l'idée est née. Pas facile, en effet, d'être un artiste de métier, quand le ministère de tutelle vous tourne le dos, en arguant que ce n'est pas le moment. Le plus dur, au sens de ces protestataires, est que le public, premier concerné et consommateur de cet art, manque de conscience en ce qui concerne le rôle de la culture dans la société. Loin de lui l'idée, de surcroît, de considérer l'art comme un métier à part entière. Selon Ezzeddine Gannoun, l'artiste n'est rien qu'un comique à ses yeux. Ce n'est pas entièrement de sa faute, puisque «les projets artistiques “sérieux” sont écartés des festivals d'été», ajoute le metteur en scène. Résultat, pour cette saison supposée être la meilleure pour le théâtre, El Hamra est en difficulté et ça ne s'arrange pas. Les comédiens et les techniciens qui se sont sentis marginalisés suite à cette situation, ont décidé de prendre l'initiative de ce «prélude d'un combat pour la dignité des artistes». Derrière, ils dénoncent une situation qui s'étend à toutes les disciplines artistiques. Lors de la première journée, des artistes et des citoyens ont répondu à l'appel d'El Hamra, dont les lumières ne seront pas éteintes pendant trois jours. The end s'est habillée de silence, seul argument, par sa grandeur, pouvant tenir tête à toutes ces faiblesses du domaine artistique en Tunisie. La comédienne, Leïla Toubel («Nedjma» dans la pièce), explique que les appellations des personnages ont été maintenues «car le nom d'un personnage est son identité, et c'est notre façon de dire que personne ne peut nous ôter notre identité», souligne-t-elle. Elle et son équipe méritent respect et soutien, surtout qu'El Hamra, malgré ses difficultés, a ouvert ses portes pour des débats et des conférences, avant et après le 14 janvier, ô combien nécessaires à la conscientisation politique et citoyenne. Qu'ils soient entendus est tout le «mal» qu'on leur souhaite !