Le Centre arabo-africain de formation et de recherche théâtrales fête actuellement sa 10ème année d'existence. En silence et comme si de rien n'était. Et pourtant, bon an mal an, c'est près d'une vingtaine de jeunes professionnels qui viennent s'y former aux arts de la scène. Sans bourse délier. Mardi 8 juin. Il est 13 heures. La salle est peu éclairée. Le silence est total. Sur la scène, des jeunes entre vingt et vingt cinq ans, de différentes nationalités, s'adonnent à des mouvements peu compréhensibles, sous l'œil vigilant du maître des lieux. On comprend que la parole est donnée aux corps qui s'expriment dans un langage que ne peuvent saisir que les initiés. Nous sommes au Théâtre El Hamra, à Tunis. Et le maître des lieux n'est autre, évidemment, que Ezzedine Gannoun. Fondateur du Centre arabo-africain de formation et de recherche théâtrales (CAAFRT) qu'abrite El Hamra, il supervise inlassablement, session après l'autre, les séances de formation aux arts, métiers et techniques de la scène dispensée à des jeunes professionnels issus des pays arabes et africains, dont la Tunisie, bien entendu. Les stagiaires de l'actuelle session sont du Liban, de Palestine, de Syrie, d'Egypte, du Bénin, du Mali, du Niger, du Sénégal, de Guinée, du Togo, du Burkina-Faso et de Tunisie, soit dix-neuf au total. Selon les moyens dont peut disposer le Centre, il peut y avoir une à trois sessions par an, et chacune, selon le degré de formation, peut s'étaler sur dix, quinze et même quarante cinq jours. A ce jour, le Centre aura accueilli un peu plus de deux cents stagiaires dans quelque qurante six ateliers de formation. Car les disciplines sont diverses et multiples, elles vont de l'art du comédien à la régie générale, en passant par la mise en scène, la scénographie, la chorégraphie, la lumière, la musique, les costumes, etc. L'actuel atelier est destiné à la formation d'acteur que dirigent conjointement Alia Sellami (voix), Syrine Gannoun Mannaï (anatomie du corps) et Ezzedine Gannoun (formation d'acteur proprement dite). Déjà en 2003, soit deux années après la création du Centre, une expérience singulière avait eu lieu, comme dans le dessein de tester l'impact desdits ateliers : les jeunes de cette session-là avaient monté et joué une pièce intitulée « Parlons en silence » et dont le succès était palpable dès la première, donnée alors en France. Or, tous les jeunes professionnels en stage sont pris totalement en charge. Non seulement ils ne paient rien, mais perçoivent de surcroît une petite bourse. D'où le casse-tête des responsables du Centre qui n'ont d'autre financement que celui alloué par des ONG étrangères. Le constat est étonnant : pas un seul pays africain ou arabe (y compris la Tunisie) ne daigne doter le Centre d'une subvention de quelque importance que ce soit. Unique Centre au monde arabe et africain, le CAAFRT, véritable école de formation théâtrale, s'emploie lui aussi à la manière d'une ONG artistique.