Afif Kchouk, promoteur hôtelier estime que «le secteur du tourisme n'est pas dans une situation plus dramatique que celle dans laquelle se trouve l'agriculture ou l'industrie. L'endettement lourd, voire irrécupérable se trouve principalement dans deux principales: le Nord-Ouest et le Sud. Il était prévisible que l'investissement dans ces régions devrait connaître des difficultés de remboursement, d'exploitation et de gestion. Et lorsque les choses ont empiré, l'Etat n'a rien fait de particulier pour sauver la mise malgré les difficultés que vivent ses régions, à part quelques avantages accordés. Et même si quelques réflexions ont pu exister, elles n'ont pas été entreprises dans le bon sens. Le simple exemple du transport aérien peut bien expliquer la situation. Mettre à la disposition des clients du Sud, un vol Madrid-Tozeur sans faire la commercialisation nécessaire à la réussite de la ligne, ne sera jamais rentable». Ces zones, soutient il, «connaissent également des difficultés d'approvisionnement, d'entretien ou de maintenance… la simple réparation de n'importe quel appareil coûte, à Tozeur, le double de la même réparation à Sousse ou à Hammamet. La réparation va donc se faire à Gabès ou à Sfax, ce qui va entraîner des coûts de transport, un blocage de l'activité… Je trouve que l'essentiel du problème du secteur touristique vient de là. Par ailleurs, le problème de l'endettement vient également des banques qui sont aussi responsables que les promoteurs. Elles ont financé les projets, sont rentrées dans l'actionnariat et elles en sont administrateurs». Les banques en sont aussi la cause Il est aussi important d'expliquer, relève notre promoteur «que l'on ne peut parler d'endettement réel du secteur que lorsque les promoteurs n'arrivent plus à payer leurs dettes, et que les créances deviennent irrécupérables. Mais si les professionnels parviennent à payer avec du retard, il ne faut pas exagérer et dire que le secteur va mal. Comme je l'ai expliqué au départ, le secteur hôtelier n'est pas plus endetté que les autres secteurs, car tous les projets industriels, agricoles… sont réalisés, en partie, à travers des crédits bancaires. Et si endettement existe, pourquoi les banques, impliquées également dans les projets touristiques, n'ont rien fait pour sauver la face et stopper l'hémorragie pour que la situation n'empire pas. Pourquoi occulter le rôle de ces dernières et pourquoi faut-il toujours responsabiliser le promoteur, alors qu'il est un acteur parmi d'autres. Les banques vivent des intérêts qui découlent des crédits qu'elles accordent à leurs clients. Et tant que les intérêts existent, la situation leur convient parfaitement». D'ailleurs, «les promoteurs payent des montants d'intérêts qui dépassent largement les sommes qu'ils perçoivent. Les banques tunisiennes opèrent au-dessus de la loi, elles sont intouchables car elles représentent la colonne vertébrale de l'économie. Je vous parle de cela puisque moi-même je suis entré en conflit avec les banques et je me suis tourné vers la justice, j'ai gagné mon procès mais au moment de l'application de la jurisprudence, les choses deviennent difficiles. Nous avons l'impression que les banques ne souhaitent pas que les choses s'arrangent». Pourquoi personne ne parle de l'endettement de l'agriculture ou de l'industrie ? «Le promoteur hôtelier a été, de temps en temps, pénalisé par l'image de certains mauvais payeurs alors que l'on oublie vite, et peut-être même intentionnellement, tous les gens qui ont réussi. Il faut reconnaître maintenant que les gens qui ne payaient pas leurs dettes avaient des statuts très particuliers ou étaient favorisés par le régime déchu. De plus, si tous les autres étaient de mauvais payeurs, le ministère des Finances ou la Banque centrale auraient facilement la possibilité de leur faire un redressement fiscal. Il ne faut donc pas dramatiser la situation».