Encore un film sur la Palestine, diriez-vous ? Encore un film qui viendra s'ajouter à tant d'autres cherchant chacun un angle de traitement qui se voudrait différent, voulant dénoncer, attirer le regard, sensibiliser et porter la voix de ces gens que même l'histoire semble oublier. Un autre film sur la Palestine ? Qu'a-t-il à dire de plus que ce feuilleton interminable des infos télévisées qui ont fait de ce peuple un peuple meurtri dont le malheur est donné en pâture sur les chaînes d'infos. A quoi servirait encore le cinéma face à l'extermination d'un peuple? Pourtant, le duo Samir Abdallah et Kheiredine Mabrouk a pu montrer, non pas une image inédite de la Palestine, mais un pur moment de sincérité et de vérité. La Palestine ressemble de plus en plus à une métaphore au moment où Samir Abdallah et Khéridine Mabrouk pénètrent dans Gaza, le 20 janvier 2009. Au lendemain de la dernière guerre israélienne contre Gaza, ils y découvrent l'étendue de cette Gaza-Strophe aux côtés de leurs amis, délégués palestiniens des Droits de l'Homme. Le parti-pris est annoncé d'emblée et le point de vue des deux cinéastes se mêle à celui de ces délégués des droits de l'homme. On découvre l'ampleur du massacre en même temps qu'eux et, au fil des récits des témoins survivants, le tableau se noircit de plus en plus. Maisons détruites, enfants fusillés de sang froid, vieillards mutilés et mères éplorées. Des témoignages qui sont parfois plus durs que les images. Existe-t-il un peuple sur cette terre capable de supporter autant d'injustice et de souffrance comme ce bon vieux peuple palestinien ? J'en doute ! Et comment arrivent-ils à garder toujours espoir, à clamer des poésies assez fort pour que le monde entier puisse entendre. Et cette vieille dame qui cherche dans les décombres son petit chaton, et ce petit garçon qui essuie les larmes de son âne, et surtout ce cultivateur poète qui offre aux cinéastes des fraises de ce qui reste de son champ… Les réalisateurs entreprennent un voyage au bout de la nuit dont toute la substance de la mise en scène repose sur les mots recueillis. Ce n'est plus une résistance, c'est la force de vie mise à mal, donnée à entendre comme trop rarement. Samir et Kheiredine ont su juste être présents, porter un regard humble, sans basculer dans le militantisme. Juste la force et l'urgence d'un témoignage brut. Reste que Gaza-Strophe est un document impressionnant sur ce moment où les dirigeants israéliens ont dépassé toutes les bornes de la déraison militaire et de la bêtise politique. Ce film que les pro-israéliens ont tout essayé pour censurer (en France) est un film qui dérange, un film qui est pris en considération par les enquêtes internationales sur le bombardement de Gaza. D'ailleurs, le colonel Desmond Travers, membre de la commission Goldstone (commission fondée afin d'enquêter sur les violences, passées et à venir, imputées aux forces de sécurité et groupes politiques et paramilitaires à Gaza) dit en parlant de la situation sur les lieux: «Nous avons visité les mêmes endroits. Le film confirme ce que nous avons trouvé plusieurs mois après. Il est important que les gens puissent voir ce film et se fassent leur propre idée sur ce qui s'est passé durant ces trois semaines, lorsque les forces armées israéliennes ont donné l'assaut. En effet, le rapport Goldstone fait près de cinq cents pages et décrit des faits dans un langage technique et juridique qui peut décourager certains de le lire. En regardant le film, j'ai été frappé par le fait que nous ne devons pas oublier que la situation à Gaza s'est dégradée depuis que ces images ont été tournées, il y a un an et demi.» Gaza-Strophe, outre le fait que c'est un film écrit avec sensibilité et sincérité, est un film qui s'avère utile, une version honnête de la vérité que tout le monde connaît mais que rares sont ceux qui la dénoncent.