Qu'ont fait les aînés du cinéma pour que les jeunes soient autant en colère ? Comme tout le monde le sait, après le 14 janvier, les cinéastes se sont donnés un mot d'ordre : reprendre l'ACT (Association des Cinéastes Tunisiens) créée dans les années 60 pour promouvoir et défendre le métier. Cette association a été désertée pendant longtemps par les professionnels à cause d'une personne qui en a monopolisé la présidence. Les premières réunions se sont déroulées dans une ambiance chaude. C'était le moment, on dirait, pour les cinéastes de "cracher" ce qu'ils avaient sur le cœur, après tant d'années de silence. Tout le monde semblait être l'ennemi de tout le monde, et l'heure était aux règlements de comptes. Après quelques clashs, ils ont fini par s'entendre, et atteindre leur principal objectif : récupérer l'ACT. Mais les jeunes ressortissants des écoles de cinéma et quelques autres techniciens avouent avoir été choqués par le comportement de leurs aînés. Ils ne pouvaient pas imaginer, disent-ils, que l'on puisse se «haïr» à ce point. Impatients d'identifier leur avenir et de trouver des solutions à leurs problèmes, certains ont choisi de faire cavaliers seuls et de créer leurs propres associations. C'est ainsi que, depuis la révolution, ces dernières poussent comme des champignons. Nous avons rencontré les membres de l'Atja (Association tunisienne des jeunes de l'audiovisuel), créée il y a deux mois par quelques ressortissants des écoles tunisiennes du cinéma et de l'audiovisuel. Leur programme est le suivant : -Trouver de l'emploi pour les jeunes diplômés dans tous les établissements publics et privés. -Lancer de nouvelles idées de projets qui permettraient d'accueillir un maximum de jeunes. -Etre présents dans toutes les commissions du ministère de tutelle concernées par l'aide à la production ou l'octroi de la carte professionnelle. -Proposer une grille de salaires pour les techniciens et limiter les horaires de travail. -Créer un fond d'aide sociale pour les professionnels du secteur. -Soutenir les sociétés privées. -Défendre les professionnels en cas de litige. -Promouvoir la culture cinématographique dans toute la République. -Promouvoir le cinéma tunisien à l'étranger. -Créer des ateliers de formation -Créer un Conseil général de l'audiovisuel -Créer un Centre de l'audiovisuel -Protéger le patrimoine cinématographique et audiovisuel. La liste est plus longue que ça. Ces jeunes de l'Atja ont l'air de confondre les rôles et de faire l'amalgame entre revendications et objectifs. Leur association ressemble fort à un syndicat, et le projet artistique de l'association demeure encore flou. Après avoir longuement discuté avec quelques-uns de ses membres, nous avons compris une chose : ayant perdu (on ne sait comment) confiance en leurs aînés, ces jeunes n'ont plus de modèles. Ils sont également victimes d'une politique de l'enseignement qui a créé des écoles sans réfléchir aux débouchés. Une fois diplômés, ils se sont retrouvés dans une réalité qu'ils ont du mal à comprendre. Pour tout dire, nous avons l'impression que la création d'une association n'est qu'une réponse au problème, elle n'est pas la solution.