C'est un fait, les cinéastes tunisiens ont décidé de reprendre leur association en main! L'ACT (Association des cinéastes tunisiens) avait, à un moment donné, connu une discorde entre les réalisateurs tunisiens qui l'ont pour la plupart désertée. Aujourd'hui, ils se réunissent pour une opération de sauvetage et pour décider, ensemble, de leur position face à l'évolution de la situation politique en Tunisie. A titre de rappel, l'ACT a été fondée, comme nous l'affirme Hatem Ben Miled, un de ses anciens membres, en 1967, pour rassembler les cinéastes tunisiens. Dans les années 80, 150 cinéastes ont signé une pétition mais n'ont pas réussi à destituer son président de l'époque, Ali Laâbidi, à cause d'une mainmise excessive. En 2006, un groupe d'anciens membres de l'association se sont vu refuser, de la part du ministère de l'Intérieur, une demande pour recréer l'ACT, qui décide dans le cas actuel d'exister d'elle-même, avec Khaled Barsaoui comme président temporaire. Depuis quelques semaines, il ne se passe pas un jour sans que de nouvelles donnes apparaissent sur la scène politique tunisienne. Jeudi dernier, pendant l'assemblée de l'ACT, nous avions appris la démission du ministre Mdhafer ainsi que la dissolution du bureau politique du RCD. A quelques mètres de la maison de la culture Ibn-Khaldoun, où l'assemblée a eu lieu, des gens étaient là pour manifester contre ce parti. Les cinéastes, de toutes les générations, sont venus dire qu'ils étaient d'abord des citoyens. Il n'empêche que les décennies d'éparpillement dans ce corps de métier se sont fait sentir pendant cette réunion élargie aux associations de cinéma (la fédération tunisienne des cinéastes amateurs (ftca), la fédération tunisienne des ciné-clubs (ftcc) et l'association tunisienne pour la promotion de la critique cinématographique (atpcc)), avec un débat assez houleux, où les règlements de comptes ont dominé parfois les interventions. Des voix de raison se sont aussi élevées, heureusement, pour faire avancer les choses et définir les priorités. Un consensus entre les présents leur a permis de décider que l'urgence est d'accompagner le peuple dans son soulèvement et de définir une prise de position claire. Suite à quoi « Le manifeste des cinéastes libres » a été rédigé et adopté à l'unanimité, comportant sept points jugés essentiels pour la période à venir et le futur en général. Dans un second lieu, vient une réflexion sur la vision d'avenir de la production cinématographique. Pour les cinéastes, et après que le peuple se soit révolté, ils auront, disent-ils, le temps d'organiser le secteur en amont et en aval. En attendant, il s'agit avant tout de ne plus faire de concessions et de jouer un rôle citoyen, celui d'encadrer et d'accompagner la volonté du peuple. ------------------------------------------------------------------------ Le manifeste L'assemblée de l'association des cinéastes tunisiens a débouché sur la rédaction d'un manifeste comportant les points suivants: La dissolution immédiate du RCD et le gel de ses comptes, étant le premier responsable de la détérioration de la situation culturelle et intellectuelle et de l'atteinte à la liberté d'expression Juger les membres du gouvernement actuel et précédent, impliqués dans la corruption et dans la marginalisation par la force du peuple Valoriser le rôle des arts et de la culture dans la protection de la révolution et faire en sorte que les artistes et les intellectuels fassent partie des choix futurs, qu'ils soient politiques, sociaux ou culturels Créer une commission nationale qui garantisse la liberté d'expression et qui abolisse la censure et les moyens de répression tels que les autorisations de tournage Le refus de toute nomination à la tête du secteur culturel sans que les institutions culturelles ne fassent partie du processus de prise de décision Reconnaître que les cinéastes font partie intégrante de la force associative indépendante et développer une culture démocratique laïque pour garantir la diversité et la liberté du culte.