Peut-on être sûr aujourd'hui que la liberté d'expression, et surtout de la presse, est bel et bien respectée ? Au journal La Presse, tout le monde en doute fort, notamment après la réaction des forces de l'ordre hier matin et après-midi au centre-ville de Tunis. Des collègues agressés au sein même du journal, des journalistes appartenant à d'autres organes de presse, voulant comprendre la réalité des faits, ont aussi subi le même sort. Coups de matraque, gaz lacrymogènes en plein visage, matériel et appareils photos de collègues confisqués, un ordinateur portable également. Les agresseurs sont des policiers tunisiens qui prétendaient disperser la foule des manifestants rassemblée, hier matin, devant le Théâtre municipal de Tunis. Tout a commencé lorsque ces mêmes manifestants ont été pourchassés par la police dans les petites ruelles de la capitale et plus précisément dans le quartier des journaux sis à la rue Ali Bach-Hamba. Force, violence et agressivité qui nous rappellent une certaine époque de l'histoire de la Tunisie. La situation était tellement exceptionnelle et inattendue qu'elle a nécessité, de la part des journalistes de La Presse, comme de tous les autres d'ailleurs, l'exercice de leur profession en toute âme et conscience. Mais pour hier, les réactions de la police étaient aussi exceptionnelles. Faire son travail était considéré comme un tort. Pourquoi confisquer des reportages photos ou des ordinateurs portables ? Pourquoi interdire aux journalistes de voir de leurs propres yeux des vérités, et de vivre ce que vit leur pays afin de relater, en toute objectivité, des faits ? Que cherche-t-on à cadrer ? Les journalistes qui étaient pris au piège dans l'enceinte du journal n'avaient même pas le droit de regarder par les portes et les fenêtres pour prendre conscience de ce qui se passait à l'extérieur. Les forces de l'ordre interdisaient même cette liberté et agressaient tout le personnel du journal par des gros mots et des injures. Où sommes-nous aujourd'hui et où va-t-on ? Sommes-nous sortis d'une époque connue pour la répression des droits de la presse pour nous retrouver dans une autre, encore plus répressive, qui ne permet que quelques libertés, sans cesse rétrécies comme peau de chagrin.