De notre envoyée spéciale Samira DAMI • Projection officielle le vendredi 20 mai au «Soixantième» Enfin place à la révolution tunisienne sur les écrans de Cannes : Plus jamais peur, de Mourad Ben Cheikh, produit par Habib Attia, a été projeté hier, mercredi 18 mai, devant la presse internationale à la salle «Bazin». Documentaire de 1h35, Plus jamais peur, programmé en sélection officielle dans la section «Séances spéciales», retrace les moments forts de la révolution à travers l'itinéraire et l'activisme de trois personnages : Radhia Nasraoui, avocate et présidente du Comité tunisien de lutte contre la torture, Lina Ben Mhenni, blogueuse et activiste, Karem Chérif, journaliste. Les témoignages révélateurs de ces protagonistes, notamment celui de Radhia Nasraoui, balaye la période allant du 14 janvier, journée mémorable et inoubliable marquée par le fameux slogan libérateur : «Dégage… Dégage», crié par les manifestants contre Ben Ali, jusqu'à la dispersion violente du sit-in de la KasbahI. Les récits s'imbriquent dans un va-et-vient entre la grande histoire et la petite histoire. La grande histoire, on le sait, c'est la révolution, le départ de Ben Ali et tous les événements qui l'ont émaillé, et la petite histoire c'est non seulement le vécu militant des personnages mais aussi leur quotidien entre ruines et larmes, pessimisme et optimisme et entre sentiments de gloire, euphorie et découragement, peurs et appréhensions. C'est, en effet, ce va-et-vient entre les trois parcours humains qui fait essentiellement l'intérêt du film parce qu'à l'écran se dessinent, en fait, des êtres en chair et en os, impliqués certes dans la révolution mais porteurs aussi de cette humanité ô combien précieuse. Or, justement, on aurait aimé davantage de ces moments particuliers et attachants. Exemples : prolonger l'intensité des regards et des silences chargés d'expression qui en disent long. Moins de dialogue aussi, car les moments d'action intense et les moments expressifs se suffisent à eux-mêmes. Et la peur ? Sujet et objet du documentaire ? Qu'en est-il ? On aurait aimé que cet aspect soit plus approfondi. Mais ne faisons pas trop la fine bouche, l'initiative au-delà de quelques manques, fond et forme confondus, qui s'expliquent par le fait que c'est un film tourné dans l'urgence, est à saluer. Car quand le générique «fin» se déroule avec en chant off l'hymne national interprété par Alia Sellami sur des paroles du grand Aboul Kacem Chebbi, notre poète national, on se laisse aller à un sentiment de fierté d'être Tunisien et d'avoir réalisé l'incroyable et l'impensable il y a quelques mois : la révolution.