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L'amer constat
Enquête : Jeunes et politique
Publié dans La Presse de Tunisie le 05 - 06 - 2011

Dans une émission matinale sur une radio tunisienne, l'animateur pose chaque jour des questions de culture générale ayant trait, souvent, au processus politique en cours, avec une prime de 100 dinars pour celui qui donne la réponse exacte. Les questions, genre citez au moins trois noms de partis politiques, que vous dit la date du 24 juillet prochain, l'article 15 du code électoral est relatif à quoi, et j'en passe… Les participants à ce jeu de «devinette» sont tous des jeunes, de niveau universitaire pour la plupart. Mal en prit à notre jeune animateur qui a dû attendre plusieurs jours pour tomber enfin sur un auditeur qui connaît le peu de choses minimales de la situation politique du pays. Ceci nous donne une idée sur l'intérêt porté par les jeunes à la chose politique et montre leur désaffection prononcée vis-à-vis des partis dont la plupart sont en mal d'aura et d'assise populaire. Une méfiance vis-à-vis du processus de transition ou vis-à-vis du rôle des élites politiques ? Ou un scepticisme à l'égard de ceux qui tentent d'exploiter la révolution à des fins partisanes et personnelles?
Les frustrations et les déceptions des jeunes sont nombreuses, à cet égard, et ne datent pas d'aujourd'hui : le chômage des diplômés notamment, les inégalités sociales, le népotisme et le clientélisme, l'émigration clandestine…Autant de raisons qui expliquent ce désamour. Et même s'il est difficile d'affirmer qu'ils se désintéressent de la politique, il est certain qu'ils n'ont pas assez confiance dans le système politique et a fortiori dans les hommes qui le représentent. Pourtant, les jeunes de la catégorie d'âge 18-29 ans représentent environ le quart de l'ensemble de l'électorat (2.400.000) et, par conséquent, ils doivent constituer des acteurs clés du processus en cours. Leur implication dans la réflexion et la réalisation de la transition démocratique demeure l'un des défis majeurs de cette étape, eux qui ont fait la révolution mais qui trouvent «le monde politique trop distant de leurs réalités quotidiennes que sont l'école, les loisirs et la recherche de l'emploi».
Selon une enquête menée par National Democratic Institute réalisée entre le 11 et le 24 mars dernier (1), il ressort que «les jeunes Tunisiens désirent véritablement prendre part à la transition démocratique de leur pays mais ils restent sceptiques quant aux structures disponibles. Les sondés ont quasi unanimement exprimé un véritable intérêt à participer à la transition politique en Tunisie et plus, particulièrement à travers le vote aux élections de l'Assemblée constituante».
Des chiffres peu rassurants
En l'absence d'enquêtes d'opinions sur la participation des jeunes et leur engagement politique après la révolution, l'on ne peut que s'appuyer sur des constats et se référer à de précédentes enquêtes dont notamment celle réalisée en 2010 par l'Observatoire national de la jeunesse. De même que face au pullulement de partis politiques (nous sommes actuellement à 81 dont plus de 70 ont vu le jour après le 14 janvier, et le nombre ne cesse d'augmenter), on déplore un manque flagrant de statistiques réelles sur le nombre de leurs adhérents et le pourcentage de jeunes parmi eux. Et même si certains partis ont créé des organisations de jeunesse, il n'en demeure pas moins que les jeunes, par essence rebelles et anticonformistes, boudent ce genre de structures. Les partis en Tunisie ne sont pas logés à la même enseigne, et la vie politique a longtemps souffert d'un déséquilibre abyssal entre l'ancien parti-Etat puissant et omnipotent, et des partis d'opposition fragiles. Ce même déséquilibre semble se perpétuer après la révolution avec des formations mieux structurées que d'autres et mieux préparées pour les prochaines échéances électorales.
A peine 8.4% des jeunes sondés, selon l'enquête menée en 2010 par l'Observatoire national de la jeunesse sur un échantillon de 10.000 jeunes de 18 à 29 ans, ont déclaré être affiliés à un parti politique (3.4%) ou à des structures traditionnelles comme les organisations nationales (0.56%), les associations sportives (2%), les associations de jeunes (1.30%), les syndicats (0.35%). A côté de cela, très peu de jeunes ont déclaré avoir participé à des forums de discussion (10.6%), à des sondages d'opinions (8.59%), à des débats politiques (9.51%), à des séminaires (7.20%) ou à des dossiers télévisés et radiophoniques (1.85%). Au cours des dernières élections présidentielles et législatives d'octobre 2009, 24.7 % seulement ont déclaré s'être déplacés dans les bureaux de vote. Taux qui se trouve confirmé par un récent sondage réalisé au mois de mars dernier (2) et qui a démontré que 30.6% seulement des Tunisiens ont voté lors des dernières élections présidentielles. Il apparaît nettement de ce même sondage que les Tunisiens n'ont pas beaucoup de connaissance des partis politiques ni de leurs programmes. Il en est de même des personnalités politiques inconnues par plus de 83% des sondés. Un second sondage réalisé début mai (3) confirme ces appréhensions puisque 13.8% des Tunisiens s'intéressent à la politique qui vient loin derrière l'économie et le travail (35.2%), le sport (27.2%) et l'art et la culture (23.4%). Ces chiffres qui font froid au dos méritent d'être davantage analysés et pris en compte par le gouvernement provisoire et par les partis politiques ainsi que par les composantes de la société civile et les médias.
Ces taux sont comparables à ceux des jeunes Marocains dont l'engagement dans la vie publique est loin d'être reluisant. Seulement 1% se déclarent militants dans un parti politique, 2% dans une association sportive ou culturelle, 1.5% dans une association de quartier, 1% au sein d'un syndicat ou dans une association professionnelle (4). Plus proche de nous, en Algérie, les jeunes ne sont pas mieux lotis puisque 90% d'entre eux n'appartiennent à aucune formation politique.
Cette tendance ou ce phénomène de désaffection existe même dans les pays d'Europe occidentale où les taux de participation chez les jeunes des 18-29 ans n'est pas assez fort. En France, selon une étude réalisée par l'Observatoire de la jeunesse au mois de mai 2011(5), ils sont 9% seulement qui font confiance aux partis politiques et un sur dix souhaiterait y militer. Par contre, selon une autre publication de l'Injep (6), «la culture de la participation sociale et de l'organisation à la base est très présente dans les pays scandinaves» avec des taux records en Suède (91%), aux Pays-Bas (90%), au Danemark et en Finlande (77%). Alors que cette participation diminue sensiblement dans les pays de l'Europe du Sud avec 37% en France et en Espagne, 26 % en Pologne, 25% en Roumanie et 24% en Portugal.
Voter c'est faire entendre sa voix
Mais la participation n'est pas seulement politique, elle est aussi sociale. Elle recouvre, selon le sociologue français Bernard Roudet, «la participation à des groupements volontaires, à des associations qui, au travers d'activités partagées ou par la défense d'intérêts collectifs, contribuent à renforcer le lien social et le sentiment d'appartenance à la société globale» (7). Cela signifie que la participation embrasse d'autres champs d'activités multiples comme le volontariat, le sport, la culture, les loisirs…qui favorisent l'épanouissement individuel et collectif. Dès lors, l'éducation à la participation devient essentielle, dans les sociétés démocratiques notamment. Cette éducation ne doit pas prendre des formes académiques, elle doit plutôt être menée avec pédagogie en sensibilisant les jeunes, dès l'école, à l'importance de la participation comme élément indispensable à la formation de la personnalité et une forme d'implication dans les affaires de la cité. Nous proposons, à cet effet, la création de clubs de citoyenneté active dans les établissements scolaires qui seraient comme une sorte de lieux d'apprentissage de la vie en société, en partageant ensemble les mêmes activités ludiques et les mêmes loisirs et en s'initiant au bénévolat et au travail volontaire. La participation s'acquiert et ne s'inculque pas. C'est pourquoi, il faudrait, à notre sens, éviter toute forme d'embrigadement ou d'encadrement, termes chers aux régimes totalitaires, mais parler plutôt d'accompagnement, en recourant à des pédagogues formés dans les instituts spécialisés.
Sur un autre plan, il faut encourager l'émergence d'autres espaces de substitution aux partis politiques et aux structures publiques traditionnelles, en encourageant les initiatives des jeunes qui commencent à se constituer dans des associations et des forums pour marquer leurs territoires et s'impliquer dans la vie associative. C'est une forme de participation citoyenne qui dénote un esprit de maturité mais aussi d'indépendance de la part de nos jeunes beaucoup plus enclins à de nouvelles méthodes de participation à travers l'utilisation des technologies de communication et de l'information qu'ils maîtrisent parfaitement.
Mais comment motiver les jeunes et les inciter à aller voter en grand nombre aux prochaines élections de l'Assemblée nationale constituante ? La révolution nous a permis de saisir le fossé qui sépare les jeunes de la nomenklatura politique et l'échec des médias à véhiculer des messages clairs envers les jeunes et à répercuter leurs attentes et leurs aspirations. Les moyens de communication dits traditionnels et considérés comme «ancêtres d'Internet», ne permettent pas de toucher les jeunes et les intéresser. Il faudrait alors s'adapter autrement, surtout en cette période pour pouvoir accéder aux jeunes et les sensibiliser à l'importance de l'enjeu politique en leur donnant la confiance en leur capacité à agir sur le cheminement de l'histoire du pays. Il revient à toutes les parties concernées, gouvernement, haute instance des élections, partis politiques, associations et organisations, médias, d'agir de concert pour favoriser l'accès des jeunes aux «outils démocratiques». Cette jeunesse qui peine encore à se frayer un chemin dans ce nouveau paysage doit faire entendre sa voix en allant voter en grand nombre. Ce sera la preuve que la révolution a réussi.
B. Oueslati
1-Les voix d'une révolution, conversations avec la jeunesse tunisienne : Conclusions de groupes de discussion avec des jeunes Tunisiens réalisés entre le 11 et le 24 mars 2011.
2-Les Tunisiens et la politique après le 14 janvier, résultat d'un sondage d'opinion réalisé par Global Management Services du 01 au 20 mars 2011.
3-Les Tunisiens, la politique et les élections : résultat du sondage d'opinion réalisé par Global Management Services ; du 20 avril au 2 mai 2011.
4- L'Economiste du Maroc, 25 janvier 2006 et cf. infra.
5- Participation associative: des jeunes plus engagés dans la vie de la cité, Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire.
6-7- La participation des jeunes dans le contexte européen. Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire.


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