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La situation économique et les «bidouns» tunisiens
Point de vue
Publié dans La Presse de Tunisie le 15 - 06 - 2011

"Ça va se jouer dans les six prochains mois ; l'économie tunisienne est victime de son succès" : tel est le constat du Pr Olivier Pastré, membre du groupe des grands économistes dont le prix Nobel J.Stieglitz qui ont lancé il y a quelques jours un appel au sommet du G8 en faveur d'un plan de relance et d'aide économique à notre pays. Dans cet appel, ces experts affirment qu'à moyen terme, le niveau d'éducation élevé de la population tunisienne est son principal atout pour devenir l'une des démocraties les plus dynamiques de toute la région.
A la veille de cet appel, le rapport des Nations unies sur le développement humain durable pour l'année 2010 a été publié, il classe la Tunisie au 81e rang mondial dans le peloton de tête des pays africains et arabes, mais ce qui est intéressant dans ce rapport consacré aux inégalités des revenus, c'est le score honorable de la Tunisie qui, avec 40,8 sur une échelle de 00 (égalité absolue) à 100 (inégalité absolue), se classe avant la Chine (41,5), le Brésil (60,0) et le Chili (55,0) et au même niveau que les USA(40,8).
Auparavant, quelques semaines après le 14 janvier, M. Mustapha Kamel Nabli, ancien ministre et expert international, avait déclaré à la suite d'un audit au sein de la Banque centrale, dont il est le gouverneur, que l'économie du pays se porte bien.
Alors qu'au Portugal, en Grèce et en Espagne, trois pays membres de l'Union européenne en crise, les gouvernements se voient contraints d'arrêter toute embauche et de diminuer les salaires, chez nous, le gouvernement recrute dans la fonction publique et augmente les salaires.
D'où vient donc ce paradoxe ?
Soit que le gouvernement intérimaire fort de ses technocrates franco-tunisiens ne se soucie guère des lendemains, c'est-à-dire qu'il laisse au prochain gouvernement le soin de régler la facture, ce qui est impensable quand on connaît la personnalité de M. Caïd Essebsi, soit que les finances publiques permettent à l'état actuel de la situation économique d'affronter la question sociale sans trop de risques immédiats pour les équilibres financiers de notre pays.
Cette reconnaissance de l'organisme onusien et des économistes de renom des performances de l'économie de notre pays ne devrait pas passer inaperçue et l'opinion publique tunisienne devrait en être informée car si, par malheur, rien n'est fait durant les six prochains mois pour relancer l'économie comme le souhaite le Pr Pastré, les objectifs de la révolution ne seraient plus que des slogans pour pancartes dans les sit-in.
Or cela fait plusieurs mois que la référence aux performances macroéconomiques de la Tunisie était devenue un sujet tabou dans les médias tunisiens, pourtant l'avertissement des experts devrait susciter d'urgence un débat national impliquant toutes les forces vives de la nation.
Pourquoi donc les débats concernant cette question sont-ils complètement absents de la télévision et notamment de la chaîne nationale censée refléter, sans complaisance, l'action du gouvernement?
La raison en est bien sûr d'ordre politique : car comment peut-on condamner l'ancien régime et étaler dans le même temps les performances économiques du pays sans être accusé d'être contre-révolutionnaire ?
Mais cette propension à condamner tout ce qui a été réalisé durant les 23 dernières années ne trouve pas au sein de la population un écho favorable puisque malgré le tapage quotidien de certains partis dans les médias et notamment à la télévision, la très grande majorité de la population n'a pas arrêté son choix pour les prochaines élections et plus des deux tiers de nos citoyens estiment ne pas se reconnaître dans les partis dont les dirigeants sont des habitués des plateaux de la TV ( selon un récent sondage) et seulement 36% ont confiance dans l'avenir du pays, selon un autre sondage.
Or s'il est tout à fait légitime de dénoncer la dictature de l'ancien régime qui avait muselé toutes les libertés et ignoré les aspirations à la dignité et à la justice de la jeunesse, il est non moins vrai que le réalisme politique et l'intérêt de la nation imposent aux candidats aspirant à la direction du pays d'admettre tout ce qui est positif dans le domaine économique comme dans d'autres domaines, œuvre du peuple tunisien et de milliers de compétences tunisiennes dont la majorité étaient, il est vrai, volontairement ou malgré eux adhérents à l'ex-Rcd.
Malheureusement, certains partis politiques qui ont appelé à l'exclusion des prochaines élections de dizaines de milliers de cadres membres de l'ex-rcd ne donnent pas l'impression de se soucier de l'intérêt supérieur de la nation nonobstant la belle littérature composant les programmes de leurs partis.
Bien qu'ils soient convaincus, sans avoir besoin de sondage, que les progrès de la Tunisie en matière économique est l'œuvre de ces compétences et non celle de l'ex-président dont le savoir dans ce domaine —et dans d'autres — est nul, ils privilégient leur soif de revanche aux aspirations des Tunisiens aux progrès, à la justice et à la sécurité.
Ainsi selon leur proposition adoptée par la commission Ben Achour, il faudrait empêcher ces milliers de cadres tunisiens appartenant à toutes les professions de participer aux prochaines élections.Dès lors résisteraient-ils au lendemain des prochaines élections à la tentation de les faire " dégager " de leurs responsabilités professionnelles selon le procédé de l'Américain Brumer, quitte à niveler le développement au plus bas comme c'est le cas aujourd'hui en Iraq? L'avenir le dira.
Quel prix devrait payer notre pays sur le plan économique et du développement en général afin de calmer les ressentiments de ces politiciens dont certains ont été, il est vrai, persécutés durant de longues années? Ceux d'entre eux qui s'affichent à la télévision ne semblent pas se remettre de leur situation d'opposants. Cependant, ils devraient savoir qu'on ne doit pas gouverner un pays avec la passion et l'esprit de revanche. Seule une justice indépendante, sereine et non corporatiste est susceptible de garantir les droits de chacun, car le recours aux décrets pour dénier les droits civiques d'un individu implique un espace temporel de non-droit et cela nous rappelle les " bidouns "(1) du Koweït.
Est-ce dire que les performances économiques de notre pays ont engendré la prospérité — relative — pour toute la population ? Evidemment que non, mais notre pays n'est pas unique dans ce cas dans la région méditerranéenne (et ailleurs) car le choix du libéralisme économique à l'échelle de la planète comme modèle de développement ne peut plus engendrer la prospérité pour tous.
Donc il était certain que les orientations économiques imposées par le groupe FMI-BM au milieu des années 80 dans le cadre de la politique d'ajustement structurel (PAS) ne pouvaient qu'aboutir à une crise sociale à moyen terme. Dans son livre plaidoyer, la grande désillusion, le prix Nobel J.Stieglitz avait dénoncé dès 2001, les orientations du duo FMI-BM imposées au pays du tiers monde les accusant de faire provoquer des crises sociales susceptibles de déstabiliser les sociétés et les régimes politiques. On ne peut pas être plus visionnaire quand on regarde ce qui s'est passé dans notre région.
Et si on analyse de plus près, la situation économique et sociale de certains pays d'Europe (Espagne, Irlande, Grèce, Portugal…) on ne pourra qu'en conclure que c'est tout le système libéral au double niveau politique et économique qui touche à sa fin. Les mesures décidées pour la résorption de la crise financière de 2008 ne furent en fin de compte que des palliatifs.
Sommes-nous à la veille d'une ère post-libérale aboutissant soit à la création d'un nouveau système politicoéconomique, soit à une transformation radicale du système actuel ? Ce système serait-il basé sur l'unique rapport entre le capital et le travail ? La démocratie continuera-t-elle d'être une relation entre des hommes libres mais en théorie uniquement, car la dépendance économique est l'antithèse de toute liberté ?
Ce sont justement ces interrogations que j'ai présentées dans un article précédant ( La Presse du 4 mars) qui mériteraient réflexion de la part de nos experts et intellectuels afin qu'ils puissent présenter au monde une esquisse d'un nouveau système politico-économique adapté aux sociétés de demain. N'est-ce pas un bon sujet de débats pour le doyen de la faculté des Sciences juridiques ?
Cependant, en dehors d'un groupe d'experts qui avaient, en présence de M. Mansour Moalla, débattu à Sfax des perspectives de l'économie nationale et régionale pour les prochaines années, cette réflexion ne semble pas intéresser nos acteurs politiques toutes tendances confondues en dehors des islamistes (2) qui ont un système prêt à l'emploi hérité de Mawardi et Ibn Taymia et aménagé par Hassen El Banna, et des communistes qui privilégient le projet marxiste-léniniste.
Pourrait-on corriger au moins provisoirement les aberrations du système économique adopté depuis les années 80. Le ministre actuel du Développement régional s'y attelle depuis quelques semaines mais sa tâche n'est pas facile pour différentes raisons, dont notamment la difficulté, voire l'impossibilité de résoudre les problèmes à court terme, la fragilité de l'administration régionale et la précarité de la situation sécuritaire, d'où la nécessité d'un discours politique consensuel pour éclairer l'opinion publique au sujet de cette question primordiale.
Le problème est que ce consensus est difficile à concrétiser car l'esprit partisan, la démagogie et les calculs politiques empêcheraient tout débat serein sur la situation économique héritée de l'ancien régime, condition nécessaire pour corriger les méfaits des orientations économiques adoptées mi-80 sur recommandation du FMI.
(1) une partie de la population du Koweït est sans nationalité depuis l'indépendance de ce pays. " Bidoun jinsia "
(2) Rached Ghannouchi : " Il est clair qu'il n'existe pas d'autre alternative au modèle moderniste tronqué (actuel)… que le choix du modèle islamique ", in Les libertés générales dans l'Etat islamique, page 20, août 1993


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