Le premier mois de la saison (1918-1919) dans le domaine pugilistique a été moins fertile en évènements d'importance, aussi bien à Tunis qu'ailleurs. Notre pionnier de la boxe, Hassen El Karrèche, vient de disputer un combat contre un certain Buffi. Fan de lutte, ce dernier est un boxeur de circonstance. Il était la fierté de la toute petite minorité maltaise qui vivait à l'époque à Tunis. Son fief était le centre de Tunis, tout près de la Porte de France (Bab Bhar). Buffi (alias Bouffy) est né en 1896 à Tunis. Sa mère tenait une brocanterie à la rue de la Petite Malte (Malta Sghira). Son père était propriétaire d'un beau carrosse à chevaux dont il était lui-même le cocher. Le combat cette fois-ci est organisé au ciné-théâtre de l'avenue de Londres chez Ali Ben Kemla. Un gala un peu bizarre où l'esprit revanchard prenait le dessus sur la qualité du jeu et les juges n'étaient pas, le moins qu'on puisse dire, intègres. Une fois de plus, notre héros Hassen El Karrèche était lésé et devait perdre aux points… Témoignage vivant Pour connaître de plus près le déroulement du combat, nous avons contacté son petit-neveu, (Am) Mahmoud Tabbène, âgé de 86 ans. «Mon oncle avait perdu aux points contre Buffi, alias Bouffy. Mais ce qui est sûr et certain, c'est qu'à partir de la 6e reprise, mon oncle a pris le dessus et a martelé son adversaire sans arrêt jusqu'au 9e round. A la 10e reprise, Buffi a failli embrasser le plancher mais l'arbitre intervenait à chaque fois pour le sauver du K.-O. Et c'est ainsi qu'on l'avait déclaré vaincu aux points ! Malgré cette injustice flagrante dans la décision des juges, mon oncle pouvait être fier car il était sorti de ce duel indemne sans égratignure. Par contre, Buffi avait le visage si enflé qu'il n'arrivait pas à rejoindre les vestiaires. D'ailleurs, cette rencontre a appelé, bien entendu, une revanche, et même une vengeance. Car mon oncle Gaman et Salah Belkhéchina étaient présents et chacun d'eux a demandé à rencontrer Buffi (Bouffy), et ce, malgré la différence de poids. Bref, c'était la loi du colonisateur qu'il fallait subir !!! Mais la vengeance est un plat qui se mange froid. Depuis ce combat, mon oncle Hassen était écœuré de ce sport appelé noble art. Mais surmontant son dégoût, mon oncle Hassen rencontra pour la seconde fois Bouffy et le battit par K.-O. Depuis, Bouffy est devenu un boxeur de second plan. Il se fit battre aux points par mon deuxième oncle qu'est Gaman ainsi que par Salah Belkhéchina», affirme-t-il non sans fierté.