L'énième titre de championnat de Tunisie conquis dimanche dernier de haute lutte ouvre de nouvelles perspectives devant l'EST en Ligue des champions dont elle entame la phase de poules samedi prochain à Alger. C'est sans aucun déploiement de faste ou de pompe que l'Espérance Sportive de Tunis a fêté dimanche dernier son 23e titre de championnat de Tunisie depuis l'Indépendance, le 24e dans l'absolu, puisque notre ami Ameur Bahri, la cheville ouvrière et la mémoire vivante du club de Bab Souika, y tient comme on tient à la prunelle de ses yeux. Les célébrations du premier trophée de football après la révolution de la liberté et de la dignité ont été sobres, soft et sans excès. Et pour cause! Il n'y a plus de trêve pour les copains de Darragi, une échéance chassant l'autre. Le volet championnat ayant été plié, place de suite à l'entame de la phase de poules de la Ligue des champions africaine, samedi prochain, à Alger, face au Mouloudia, puis aux demi-finales de la Coupe de Tunisie, le 21 juillet, contre le Stade Tunisien (et, si affinités, à la finale le 25 juillet). C'est dire si le néo-champion de Tunisie a le grand mérite d'enchaîner sans répit les saisons, notamment ses internationaux. Certes, les trois mois de trêve forcée, déclenchement de la révolution oblige, auront apporté une occasion inespérée de sacrifier à une baisse de la tension nerveuse et de la dépense d'énergie. Mais tout cela a été vite compensé par le rythme infernal imposé dans la dernière partie de la saison où l'on joua régulièrement deux fois par semaine. Il faut souligner à cet égard l'énorme travail abattu par les préparateurs physiques Khalil Jebabli et Boubaker Hannachi et par le staff médical conduit par le Dr Yassine Ben Ahmed. La qualité de la récupération ajoutée à une rigoureuse hygiène de vie (des éléments guère évidents dans le microcosme du foot tunisien), voilà ce qui a, entre autres, fait la différence. Bien au-delà de la qualité technique, d'un banc très «profond» et d'une motivation régulièrement soutenue par les enjeux multiples. On a ainsi vu l'équipe de Bab Souika se défoncer et «s'arracher» pour la conquête d'une coupe de l'Union nord-africaine de football (Unaf) qu'un mastodonte gavé de succès aurait peut-être snobée. Si nous insistons sur une étonnante faculté d'adaptation au train d'enfer suivi par les «Sang et Or» plutôt avec succès (trois titres de championnat de suite, une finale de Champions League, une autre de Coupe de l'Unaf, qualification aux demi-finales de la Coupe de Tunisie), c'est tout simplement parce que le fait relève de l'inédit. Personne d'autre que l'Espérance en Tunisie ne sait répondre avec autant de constance et de générosité à un aussi grand nombre d'engagements. Une intelligente adaptation Maintenant, à l'entame de la phase de poules de la Ligue des champions, ce précieux travail de régénération des ressources physiques va pouvoir être à nouveau mis en valeur : l'EST avait entamé le 7 juin 2010 la préparation du dernier exercice; le championnat de Ligue 1 avait démarré le 23 juillet 2010 pour traîner jusqu'au 10 juillet 2011. Il y a en parallèle le phénomène de lassitude mentale qui peut à tout moment s'emparer de l'effectif. Comme un clin d'œil, l'EST a fait signer le matin même de son énième sacre un jeune attaquant précédé d'une belle réputation : le Camerounais Joseph-Yannick N'djeng, deux saisons de suite deuxième meilleur buteur du championnat d'Algérie. Ses quatorze réalisations de cette saison finissante ont d'ailleurs été déterminantes dans la qualification de son club, la JSM Béjaïa, pour la première fois de son histoire pour la Ligue des champions d'Afrique, le club béjaoui ayant terminé l'exercice conclu samedi dernier à la 2e place derrière l'étonnant ASO Chlef du goleador de la L1 algérienne, Hilal Soudani, passé au club français du Mans. C'est incontestablement le transfert le plus onéreux en L1 tunisienne (plus de 1.200 mille dinars). Le bureau de Hamdi Meddeb ne lésine pas en fait sur les moyens pour s'offrir un premier titre de LCA. La difficulté consiste à intégrer un avant-centre de seulement 21 ans dans la manœuvre offensive «sang et or» où il va relever le Malien Dramane Traoré. Lequel avait dû, l'hiver dernier, à son tour, pallier le départ du Nigérian Michael Enramo, auteur de sept buts dans la phase aller du championnat. Les caractéristiques de N'djeng, ses points forts et sa marge de progression amèneront inévitablement l'entraîneur Nabil Maâloul à procéder à un aggiornamento de sa stratégie offensive laquelle avait pâti dans une certaine mesure du départ en Turquie de l'inénarrable Eneramo autour duquel tournait toute la manœuvre en attaque. Jadis, il s'agissait de «trouver» la flèche nigériane laquelle assurait le reste au prix d'une remarquable présence physique et d'un étonnant travail de percussion, de harcèlement et de sape des défenses adverses. Depuis janvier dernier, Dramane apportait un tout autre profil qui a mis du temps à s'exprimer. Ou plutôt qui tarde même à le faire. Dans le premier titre de sa carrière d'entraîneur en L1, Maâloul a dû donner la part plus belle à l'expression du talent de son tandem de «fanataistes» Darragi-M'sakni et au déploiement de l'option offensive de ses latéraux Derbali à droite et Chammam à gauche. Conséquence : au moment où Traoré coinçait et piétinait aux entournures,‑Darragi et M'sakni accumulaient les buts dans la deuxième moitié de la saison, chacun d'eux totalisant, à l'arrivée, dix buts (meilleurs scoreurs de l'équipe). Fait intéressant à souligner : le titre 2010-2011 a été construit par trois entraîneurs qui se sont succédé sur la durée des douze mois de championnat : Faouzi Benzarti, Maher Kanzari et Nabil Maâloul. Chacun d'eux a apporté sa pierre à l'édifice, l'ancien sélectionneur-adjoint ayant le mérite de «conclure» la chevauchée fantastique et le privilège de bénéficier des dividendes. A l'unisson, la famille «sang et or» insiste sur le fait qu'on ne lui a fait aucun cadeau. Mais au-delà de ce constat, il reste que sans la formidable opposition démontrée par l'Etoile Sportive du Sahel, qui aurait bien pu hériter de ce sacre sans une certaine irrégularité dans les moments forts de la saison, l'Espérance n'aurait sans doute jamais eu besoin de puiser au fond de ses ressources et de démontrer toutes ces qualités d'opiniâtreté, de générosité et de rigueur.