Par Soufiane BEN FARHAT La nouvelle est tombée avant-hier : le ministère de l'Intérieur a autorisé la constitution de 6 nouveaux partis politiques, ce qui porte le nombre total des partis à 100 dont 8 existaient avant la révolution du 14 janvier 2011. Autre précision, "outre le Rassemblement constitutionnel démocratique dissous, 145 autres demandes de constitution de partis politiques ont été, jusqu'à présent, refusées". Le communiqué ne précise toutefois pas que plusieurs dizaines d'autres demandes demeurent en instance. Sacrés veinards que nous sommes. Plus de cent partis politiques déjà. Quelle aubaine devraient se dire plus d'un. Parce que, logiquement, les partis politiques sont — ou devraient être-l'ossature de l'édifice politique. Soit. C'est tant mieux. Toute jeune démocratie se félicite de ses nouveaux jalons. On ne saurait déroger à la règle. Mais, il y a un grand "mais". La politique n'est pas une affaire de parade ou un défilé de mode. Un parti, ce n'est guère de la simple figuration. Il est un levier actif de la vie politique, économique, sociale et culturelle. A quoi bon ressasser des évidences ? En fait, le rappel n'est jamais de trop. Parce que, jusqu'ici, certains partis constitués depuis des mois se sont limités au seul effet d'annonce. Et parce que, normalement, les partis devraient coûter quelques précieux deniers à la bourse du contribuable. Cela rappelle la fameuse chanson de jacques Dutronc "700 millions de Chinois, et moi et moi et moi". En vérité, la multiplicité des partis est donc loin d'être neutre. Certes, il s'agit presque d'une règle universelle. Au lendemain immédiat de toute révolution ou changement significatif de régime, les nouveaux partis foisonnent. Par centaines le plus souvent. Et puis les choses se décantent au fil des jours. Les protagonistes politiques s'autorégulent sous des bannières qui ne dépassent généralement pas les doigts d'une main. Les jeux des alliances et coalitions frontales opèrent. Mais les partis politiques ne sont guère l'unique affaire des scrutins. Ils régulent aussi la vie politique. La citoyenneté active y trouve un solide point d'appui, et une aire privilégiée d'expression. Ces derniers temps, on a remarqué la carence des partis politiques tunisiens à deux échelles au moins. En premier lieu, la non-mobilisation des électeurs en vue des inscriptions sur les listes électorales. Il est effarant que, face à la carence manifeste d'inscription sur les listes électorales, les partis politiques demeurent de marbre. Logiquement, ils devraient tirer la sonnette d'alarme et rameuter le ban et l'arrière-ban. L'enjeu les intéresse en premier lieu. Mais ils sont toujours, sur ce plan précis, aux abonnés absents. Pourquoi tant d'incurie ? Nourriraient-ils quelque calcul particulier ou bien sont-ils réellement incapables de mobiliser les citoyens à large échelle. La question demeure. Et elle est lancinante. Sur un autre plan, la majeure partie des partis politiques brillent également par leur absence sur le chapitre des violences qui, par intermittence, s'emparent de certaines villes et régions. A peine certains d'entre eux ont-ils levé une voix plutôt timide pour stigmatiser telle ou telle dérive. Pis, dans certaines régions, quelques partis sont partie intégrante du problème plutôt que de la solution. Ainsi, à l'intérieur du pays, certains partis sont-ils carrément engagés dans la rhétorique tribale et les affrontements qui se greffent dessus. Ailleurs, ils campent des attitudes régionalistes non déguisées. C'est triste de le constater. Mais ce n'en est pas moins une vérité. Et, en politique plus qu'ailleurs, les vérités ne sont pas forcément toujours heureuses. Alors, faut-il se réjouir de la multiplicité des partis politiques ? Peut-être bien dans la mesure où cela traduit un élan civique. Ce qui n'exclut pas les positionnements fantaisistes ou les investissements carrément pernicieux de certains partis. Bref, tout ce qui est partisan n'est pas forcément démocratique. Tel est le principal paradoxe de la politique.