A bien des égards, la soirée de vendredi dernier des «nuits de Carthage» au palais Ennejma Ezzahra était ce que l'on peut appeler un «malentendu»! Un malentendu dû, sûrement, à un problème de communication et à une mauvaise médiatisation. En effet, une pointe de «mystère» entourait le titre de la soirée et ne dévoilait des artistes que leur origine, algérienne dans ce cas. Le programme annonçant une «troupe algérienne» sans plus, sans aucune autre précision accompagnant le titre. Franchement, il aurait été plus judicieux de préciser, au moins, le répertoire musical du groupe, afin de cibler un public averti ou, tout simplement, mentionner le nom du groupe! Certains des convives, avant le concert, ont émis des interrogations dans ce sens, croyant qu'il s'agissait plutôt d'un groupe de musique andalouse. Il n'en était rien ! Cette défaillance évidente au niveau de la communication, entre autres, et le manque de motivation ont fait que nos concitoyens ne se sont pas bousculés et que ceux qui ont fait le déplacement (environ une trentaine) n'affichaient pas (ni au niveau de l'âge ni dans l'attitude) des affinités ou une certaine familiarité avec le style du groupe programmé, un style bien particulier, qui a ses amateurs, pourtant. En effet, et pour ne pas faire, non plus, dans le mystère, le groupe programmé s'appelle «Harmonica». C'est en 1997 qu'il est formé par sept jeunes Algériens passionnés de musique. Ce groupe s'intéresse au brassage musical, en présentant un genre afro-méditerranéen‑: musique gnaouie, ou plutôt musique diwan dans le cas de l'Algérie, avec des sonorités reggae, nous rappelant des groupes plus connus, tels que "Gaada", "Diwan", "Gnewa", "Diffusion" et bien d'autres, mais également une musique plus traditionnelle du patrimoine algérien. En 1999, «Harmonica» sort son premier album Delali, qui rencontre beaucoup de succès. Mais après une tournée nationale, les membres du groupe se séparent, pour se reconstituer, par la suite, mais avec de nouveaux venus et sortent l'album Salam, continuant à faire dans le mélange des genres. Dès leur montée sur scène, les musiciens algériens annoncent la couleur avec un premier morceau aux sonorités reggae-gnawa, où se mêlent à la fois des apports africains et arabo-berbères conduits par le son du gombri, dompté ici par le jeune chanteur qui n'hésite pas à enfiler, de temps à autre, les incontournables craqeb (sorte de castagnette ou crotales), éléments essentiels du rythme gnaoui. Ils étaient cinq avec le chanteur à rejoindre la scène aménagée, pour l'occasion, dans la cour de la demeure, Belkacem à la basse, Zaki à la guitare, Allal au clavier, Youcef à la percussion, à la darbouka et aux craqeb et Nazim à la batterie, sous un ciel où la rareté des étoiles faisait échos à celle du public. C'en était même gênant pour ces talentueux musiciens qui, malgré cela, ont affiché, tout au long du concert, une incroyable vitalité et une contagieuse bonne humeur. L'audience, touchée, a fini par être transportée par les morceaux généreusement offerts par «Harmonica», entre chants religieux distillés par les rythmes gnaouis (Bladi, Jawel…) et des chansons puisées du terroir algérien, tel que le morceau Dar es'soltan (La demeure du sultan). Dans leur envolée joyeuse aux rythmes détonnants des craqeb, les membres du groupe n'ont pas manqué de rendre hommage au public tunisien (hélas, grand absent!)‑, en reprenant le fameux titre lamouni illi gharou minni du grand Hédi Jouini, bien accueilli par les présents qui n'ont certainement pas regretté le détour.