Le gouvernement et les ONG actives en Italie ont réclamé hier une mobilisation de la communauté internationale, et notamment des navires de l'Otan pour secourir les migrants qui fuient la Libye, après une nouvelle tragédie ayant fait des dizaines de morts. "Il faut considérer tous les navires de migrants partis des côtes libyennes comme automatiquement en difficulté et ayant besoin d'assistance. Comme cela, en vertu du code de navigation, ces personnes devraient être accompagnées jusqu'au premier port sûr", a estimé Flavio Di Giacomo, porte-parole en Italie de l'Office international pour les migrations (OIM). Il a demandé "une coordination de toutes les forces qui opèrent dans le canal de Sicile" pour effectuer ces sauvetages. De son côté, le chef d'état major italien Biagio Abrate a contacté les responsables des opérations de l'Otan en Libye, l'amiral italien Gianpaolo Di Paola et le général Charles Bouchard, pour leur demander "une sensibilisation aux aspects humanitaires des opérations". Il a rappelé que les unités navales de chaque nation doivent agir "de manière opportune pour la sauvegarde de la vie humaine en mer". Le gouvernement s'est aussi mobilisé et le chef de la diplomatie Franco Frattini a demandé officiellement à l'Otan une "discussion interne" pour élargir sa mission au secours aux embarcations de migrants. M. Frattini souhaite "une adaptation du mandat de la mission de sauvegarde des populations civiles en Libye (..) afin d'assurer la protection et le secours de ceux qui à cause des combats sont contraints de fuir sur des bateaux au péril de leur vie". Le ministre a aussi demandé à l'Otan une "enquête formelle" après une polémique sur la "non-assistance présumée" d'un navire de l'Alliance qui naviguait à proximité d'un bateau de migrants parti vendredi dernier de Libye et dont des dizaines de passagers sont morts durant la traversée. Les autorités italiennes auraient demandé l'intervention d'un bâtiment de l'Otan qui se trouvait à 27 milles (50 km) de l'embarcation, mais cette demande serait restée lettre morte. Le bateau de 20 mètres de long, où s'entassaient plus de 350 migrants en majorité d'Afrique sub-saharienne, est arrivé jeudi à Lampedusa. Les garde-côtes sont allés jusqu'à 90 miles (167 km) de Lampedusa pour l'assister, soit plus près de la Libye que de l'Italie. Des dizaines de passagers sont morts pendant la traversée et leurs corps ont été jetés à la mer, selon les réfugiés. Une femme marocaine a parlé d'une centaine de victimes. Selon Mario Testa, médecin de MSF (Médecins Sans Frontières), les migrants "sont restés pendant six jours et six nuits en haute mer sans eau ni nourriture, tout en assistant impuissants à la mort" de "dizaines de personnes à cause des privations endurées". Cinq d'entre eux qui se trouvaient dans un état particulièrement grave sont hospitalisés depuis jeudi à Palerme. Pour éviter de nouveaux drames, la porte-parole du HCR (Haut Commissariat pour les réfugiés de l'ONU) en Italie, Laura Boldrini, a préconisé "une amélioration de la collaboration entre les navires en Méditerranée". Selon elle, "au moins 1.500 réfugiés" ont disparu corps et âme pendant leur traversée vers l'Europe depuis le début des combats en Libye à la mi-mars, chiffrant à 24.000 ceux qui ont atteint les côtes italiennes. L'ONG Save The Children a réclamé "l'ouverture urgente de couloirs humanitaires". "Il n'est pas possible de continuer à assister à ces tragédies en mer sans rien faire", a-t-elle dénoncé. MSF a rappelé aux "parties impliquées dans le conflit (en Libye) et aux pays voisins leurs propres responsabilités, dans le respect du droit international, qui consistent à maintenir ouvertes leurs frontières et à offrir secours et protection aux personnes fuyant la Libye." Lundi, 25 migrants avaient été retrouvés morts asphyxiés dans la cale d'une embarcation arrivée à Lampedusa avec 300 réfugiés à son bord. En avril, 250 migrants avaient péri dans le naufrage de leur bateau au large de Lampedusa.