Le Festival de Hammamet continue de marquer des points en qualité, mais aussi en affluence du public. Après de belles soirées où nous avons aimé les spectacles de Zied Gharsa et des chants de la maoulawijya, apprécié le théâtre de Ezzeddine Gannoun et Leïla Toubal dans The end et regardé avec intérêt et beaucoup de réflexion Yahia Yaïche de Fadhel Jaïbi, savouré le ballet de Fahd Abdallah, voilà que Leïla Hjaïej pousse la limite du chant et du «tarab» vers le plaisir maximum Samedi soir, il y avait sur scène dix de nos meilleurs musiciens autour d'une étoile en robe bleu-vert scintillante qui, pourtant, ne cherche pas à être une star, mais plutôt à conquérir de plus en plus de mélomanes dans les mailles de la bonne, très bonne musique. Des chansons patriotiques Pour commencer, quoi de mieux que Iradatou al hayet, texte célèbre d'Aboul Qacem Chebbi, devenu l'hymne des révolutions populaires en Tunisie et ailleurs, composé par le grand Riadh Sombati. Leïla marque ainsi son adhésion totale à l'esprit nouveau de liberté et de fierté qui règne désormais en Tunisie. Deux autres chansons viennent compléter ces choix ciblés : elles sont signées Mohamed Abdelwahab‑: Ana Chaâb (paroles de Kamel Chennaoui) et Watani al Akbar de Ahmad Chafik Kamel. Nous avons senti que Leïla ne voulait pas rater l'occasion de prouver que la vraie chanson patriotique peut aussi être mélodieuse. La chanson suivante : Sodfa saïda, tout comme la première, rend hommage à une voix exceptionnelle : Souad Mohamed, dont Leïla est restée fan, et dont la disparition, selon elle, est passée quelque peu inaperçue malgré la place de cette cantatrice dans le cœur des connaisseurs et qui concurrençait à un certain moment Oum Kalthoum! Elle est signée Bayram Tounsi pour le texte et Baligh Hamdi pour la musique. Al Fannen est un qasid en hommage à tous les artistes qui portent avec sincérité et honneur le drapeau de l'engagement pour les causes nobles et pour la défense de la liberté, texte de A. Ouertani et musique de Abderrazek Hihi. Al ândalib de Adem Fathi et Lotfi Bouchnaq est une belle chanson qui mûrit de plus en plus et où elle fait un clin d'œil à Abdelhalim Hafedh. Elle est incrustée de deux passages de ses chansons selon la méthode du «Tatriz». Le cerise sur le gâteau ! Après l'entracte dont elle semble apprécier l'utilité, Leïla nous gâte vraiment, avec sa voix sublime et sa grande générosité dans une «terrible» chanson d'Oum Kalthoum Raq el habib. Cette grande œuvre de Mohamed Kassabgi (paroles de Hassine Essayed) nous renvoie aux grandes classiques et immortelles du chant arabe. Déjà il y a deux ans, aussi bien au «Comar d'or» qu'à Carthage, Leïla n'a pas reculé devant la plus dure et la plus unique des chansons d'Oum Kalthoum : El awila fil gharam que la grande cantatrice n'a voulu chanter qu'une seule fois. Raq el habib a marqué samedi soir un moment fort de la carrière de Leïla Hjaïej. La suite est venue rappeler qu'elle n'excelle pas seulement dans le «charqi» mais aussi dans le chant purement tunisien : Al metnahida (Jlidi Laouini et Samir Agrebi), puis Ya magouani du tourath signé Ahmed El Ouafi, Hozti lebha wissir (Khemaïs Tarnène) et enfin Ah ya khlila de Salah Mehdi. Il est à noter enfin les solos succulents qui ont «aéré», à tour de rôle, le spectacle Slim Jaziri au qanoun, Chokri Bahloul, Mohamed Lassoued et surtout Abdelbasset Metsahel au violon, et enfin un beau mais court solo de luth de Moez El Ouakdi, issu tout comme Leïla Hjaïej et de l'école de Ali Sriti. Belle, très belle soirée où un public de choix, nombreux, concentré et connaisseur, a pris du plaisir deux heures durant. On en redemande.