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Toutes et tous pour la levée des réserves à la Cedaw !
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 08 - 08 - 2011


Par Faïza Zouaoui Skandrani
Nous, membres de l'Association Egalité et Parité, réunis le 29 juillet 2011, et du groupe Facebook,  Egalité et Parité en Tunisie (1461  membres ) dénonçons  les abus et dérapages constatés récemment dans les différents médias et nous nous demandons d'ores et déjà  si les jeux sont faits  car il y a lieu de se poser la question si la télévision nationale n'est pas  piratée en véritable cheval de Troie par le pôle conservateur et si elle n'est pas noyautée par des journalistes en herbe et des groupes extrémistes qui ne représentent pas le pays …
Nous avons constaté les abus suivants :
Sur la chaîne nationale 1 :
- un débat avec Abdelwahab Mahjoub a fait  l'apologie du retour de la femme au foyer,
- un  mariage collectif célébré par Rached El Ghannouchi, représentant un parti politique qui a sponsorisé ces mariages et qui, de ce fait, bénéficie d'une propagande illégitime aux dépens des autres partis en lice,
- le passage en 3e News d'une personnalité religieuse, invitée par Ennahdha, interviewée avant l'entrée dans la coupole, passé une partie de son discours, interviewée après le discours et ayant même passé le jeune homme ayant récité les versets coraniques …
- l'émission Sahet Essiyassa, baâthistes et islamistes, 9h30, qui ne projette que les idées des extrémistes qui ne représentent pas les Tunisiens.
Sur Hannibal TV :
- une émission quotidienne «‑Sahha Chribtik‑»  juste après la rupture du jeûne, heure de grande écoute, avec pour modérateur Abdelfettah Mourou, représentant un parti politique. Cela confère à son parti un temps de parole supplémentaire lésant les autres partis en lice.  
Sur Shems FM :
- l' émission «‑Hojjet hob‑» le 28/7/2011 entre 18h30 et 19h30 animée par Farès et Manel et au cours de laquelle Farès a banalisé la violence conjugale et la polygamie selon le témoignage suivant : « Aujourd'hui, au volant de ma voiture, j'ai capté une émission de Shems FM, "Hojjet hob", preuve d'amour, animée par Farès et Manel, 19h30 ...Farès interrogeait un jeune couple sfaxien‑: si ta femme te brûlait ta chemise, tu la rouerais de coups ? Après un humour de bas étage, il s'adresse à la jeune fille : si tu as trois belles amies cache les comme il faut, puisque ton fiancé a droit à quatre!». Cet animateur prône de la violence implicite et viole le droit tunisien qui jusque-là interdit la bigamie et la polygamie‑!
Sur Radio express FM :
- le 28 juillet à 20h00, on propose un débat pour ou contre la polygamie, et ce, plus de 50 ans après la promulgation du CSP et l'abolition de la polygamie !
Sur Femmes
de Tunisie :
- en couverture, en gros plan, une enquête sur le concubinage en Tunisie, sujet totalement inadapté aux circonstances actuelles.
Dès le lendemain de la Révolution, une campagne orchestrée contre la visibilité des femmes a vu le jour, campagne de dénigrement et de harcèlement qui est passée de Facebook dans les rues et les meetings, et des meetings dans les médias.
 Aujourd'hui, 7 août 2011, Ennahdha vient d'annoncer son programme réformateur, ô combien intéressant pour la Tunisie du CSP : rétablir la polygamie dans la nouvelle Constitution à l'heure où les progressistes demandent la levée des réserves à la Convention internationale d'élimination de la discrimination contre les femmes‑!!!
La stratégie de harcèlement et de dénigrement, la haine contre les femmes s'éclaircit et nous met face au projet d'un parti qui a jusque-là caché son jeu : il  dit ne rien avoir avec les salafistes dont il se sert pour les basses besognes et violences de toutes sortes…
Nous avions espéré un Islam moderne, porteur des valeurs humanistes universelles et nous voilà confrontés au bout de 55 ans à un Islam de frustrés animé par la haine des femmes et des associations féministes…
Il est inconcevable que dans un pays  où les femmes sont électrices et éligibles depuis 1957, nous constatons un paradoxe flagrant entre les potentialités féminines existantes (60%) et leur représentation (10%)  dans les différentes instances de décision.
Aujourd'hui, au lieu d'exiger le plus, on nous ramène au moins et nous, et en tant qu'association pour l'Egalité et la Parité, nous nous engageons à défendre  parmi les défis sociaux l'égalité des chances et  la parité dans le droit et le vécu du droit  vu que la société tunisienne est composée d'un électorat féminin de près de  51%.
Bénéficiant du CSP depuis 55 ans, les Tunisiennes ont reçu la même formation que les Tunisiens et sont souvent majores de leurs promotions dans différents domaines et elles s'élèvent contre les déclarations de Samir Dillou, annonçant le projet d'inscrire la polygamie dans la nouvelle Constitution‑!
Les membres de l'association  insistent  sur le fait que toutes les citoyennes et  les citoyens doivent  jouir des mêmes droits sans aucune discrimination fondée sur le genre et demandent au gouvernement de transition la levée immédiate des réserves à la Cedaw (Convention internationale d'élimination de la discrimination contre les femmes) …
Compte tenu de tous ces faits menaçant la quiétude sociale et engendrant cette atmosphère de déstabilisation des droits des femmes et une atteinte à leur dignité, nous appelons :
- L' ensemble du collectif d'associations, responsables du monitoring des médias à combler les lacunes médiatiques relatives aux droits des femmes et non seulement à remédier à  leur manque de visibilité de plus en plus flagrant mais encore à dénoncer toutes les formes d'inégalités perçues et relevées ci-dessus dans les médias : apologie de la femme au foyer, banalisation de la violence contre les femmes, banalisation de la polygamie, promotion des mariages collectifs interdite aux partis politiques et promotion des baâthistes et des islamistes…
- L'Observatoire indépendant des élections,  relevant de la LTDH, à redoubler de vigilance, au-delà de toute considération politique, en matière de neutralité pour octroyer à toutes et à tous les mêmes chances de succès  en évitant la désinformation, la manipulation et tout dérapage générateur de risques de régressions et de violences discriminatoires …
- Le Conseil supérieur de la communication et des médias à faire respecter les temps de parole des différentes composantes de la société civile, offrant des chances égales à toutes et à tous au niveau de la liberté d'expression dans les médias nationaux et privés. Nous rappelons que cette liberté d'expression, malmenée sous la dictature, est un droit et non une faveur.
- Le Syndicat des journalistes tunisiens, présidé par Najiba Hamrouni, à prendre en considération ce manifeste appelant les journalistes à faire preuve de neutralité et d'œuvrer pour une société égalitaire et paritaire et de multiplier les stages de formation  à cet effet. Etant donné le rôle crucial des médiateurs en temps de crise ou en temps de guerre, pour sensibiliser, vulgariser, orienter, enfin éduquer aux valeurs de la citoyenneté et des droits humains, fondements de la Révolution du 14 janvier 2011 et incontournables, pour relever les défis des enjeux électoraux à court, moyen et long termes...L'élection de l'Assemblée constituante risque de changer en profondeur la configuration de notre société et c'est pour cela  que c'est une responsabilité historique qui incombe aux journalistes en  premier lieu.
- La ministre des Affaires de la femme, Lilia Laâbidi, à œuvrer pour l'adhésion de la Tunisie à toutes les conventions internationales en faveur des droits humains et en particulier à la levée des réserves sur la convention pour l'élimination de toutes les formes de discriminations à l'égard des femmes (Cedaw).
- Le Premier ministre, Béji Caïd Essebsi,  à faire respecter l'égalité et la parité dans tous les domaines.
- Le président de la République par intérim, Foued Mebazaâ, à garantir les acquis républicains des Tunisiennes et des Tunisiens,
Nous rappelons que nous n'avons cessé de dénoncer ces dérapages au cours de nos conférences, séminaires, réunions en Tunisie et à l'étranger et nous réitérons notre rejet des discours, attitudes, comportements et pratiques favorisant l'émergence d'un courant antiféministe, obscurantiste et rétrograde plein de haine à l'égard des femmes, et de toutes ces organisations aux antipodes de tous les progrès réalisés et de toutes les lois ratifiées  par la Tunisie depuis l'Indépendance, si ce n'est avant …
Nous appelons tous les défenseurs des droits humains et des droits des femmes à nous rejoindre le lundi 08 août 2011 , de 9h00 à 11h00 , Place de la Kasbah pour soutenir la levée des réserves à la Cedaw…
Nous sommes déterminés à continuer notre mobilisation et à militer fermement contre toutes formes de discriminations contre les femmes, quitte à intenter une action en justice.
Pour l' Association Egalité et Parité


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