Par M. Ben Khemis* Dimanche 23 octobre 2011, les citoyens tunisiens vont se diriger vers les urnes pour exercer leur droit de vote et élire librement pour la première fois les membres de l'Assemblée constituante. Ces élections resteront gravées dans les annales de l'histoire. Mieux encore, elles permettront de tourner définitivement la page du parti unique. En effet, non seulement le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) récemment dissous a accaparé pendant 23 ans la scène politique tunisienne, mais il a aussi gangrené l'économie, le tourisme, le sport et l'activité culturelle du pays. Nos prestigieuses institutions universitaires, à leur tour, n'ont pareillement pas été ménagées par ce sinistre fléau. Récemment, ces institutions ont vécu leurs premières élections des membres du conseil scientifique et des doyens depuis la chute de Ben Ali. Ces élections, quoique restreintes, sont un véritable test pour percevoir à quel point les universitaires sont déterminés à couper le cordon avec la politique du régime déchu. Les quatre facultés de Médecine, et particulièrement la faculté de Médecine de Sousse, se sont préparées fermement à ces élections. Cette faculté, qui a vu le jour dans les années 70 du siècle dernier, était jusqu'aux années 90 la fierté de toute une région. Tant sur le plan de l'enseignement acquis sur les bancs de ses amphithéâtres qui ne désemplissaient pas d'étudiants de toutes les nationalités arabo-africaines que sur le plan formations pratique et clinique reçues au sein des deux établissements hospitaliers phares Farhat-Hached et Sahloul inauguré à l'aube de l'année 92. C'est ainsi que le diplôme de docteur en médecine délivré par les hautes instances de la faculté de Médecine était internationalement reconnu. Mais la gloire de cette faculté était le résultat gratifiant au concours de résidanat; fameux concours qui permet aux jeunes médecins lauréats d'apprendre et de pratiquer la spécialité de leur choix. En effet, la faculté de Médecine de Sousse était réputée pour ses résultats. Malheureusement, depuis quelques années la valeur de cette faculté (à l'image de toutes les institutions du pays) n'a cessé de dégringoler. Voilà que les amphithéâtres sont désertés par les plus jeunes, et que les stages de formation d'externat dans les différents services s'accomplissent à contrecœur par les moins jeunes, souvent livrés à eux-mêmes. De surcroît, les facultés de Médecine de Monastir, de Sfax et de Tunis ne cessent de surclasser celle de Sousse en termes de résultats au concours de résidanat ; les étudiants étrangers se font aussi de plus en plus rares. Pis encore, la valeur du diplôme de docteur en médecine se trouve dépréciée. Ce diplôme obtenu après des études longues de 5 années et 4 semestres de stage d'internat pleins de labeur et de sacrifice n'a plus aucune portée scientifique. Parfois même, ce diplôme est obtenu après la soutenance publique d'une thèse assemblée sur mesure à coups de copier-coller et de résultats fabriqués de toutes pièces. Ainsi ces thèses qui étaient naguère des références dans tous les pays francophones sont maintenant la honte de toute une génération. Par ailleurs, le nombre d'étudiants inscrits à la faculté n'a cessé d'augmenter d'une façon disproportionnée par rapport à sa véritable capacité et cela, bien entendu, ne peut que nuire à la formation et à l'enseignement déjà meurtris par des années de mauvaises réformes et de gestion annihilatrice. Le nombre de résidents aussi a doublé en 10 ans; il est passé de quelque 200 à un peu plus de 500. Nombre exorbitant que les différents services universitaires à Sousse ou ailleurs dans le pays ne peuvent prendre en charge. Cette augmentation démesurée — qui concerne et affecte les 4 facultés de Médecine — n'a jusqu'à nos jours aucune explication si ce n'est de faire plaisir à une minorité de décideurs haut placés. Cette déchéance qui a battu tous les records durant ces dix dernières années nous laisse perplexes. Qui sont les réels artisans de la dérive de cette institution emblématique? Sommes-nous capables, 7 mois après la révolution, de trouver et de désigner les vrais responsables d'un tel crime envers toute une génération de jeunes médecins? L'actuel président des USA a dit un jour : «Yes we can»; alors après la «dégagemania» — devenue célèbre partout dans le monde — on peut scander haut et fort : «Oui nous pouvons; oui ensemble nous réussirons». Les élections du conseil scientifique et du doyen de la faculté de Médecine de Sousse sont le fruit de cette révolution. Tous, étudiants et stagiaires internes ainsi que résidents placent leurs espoirs en cette nouvelle équipe qu'on espère audacieuse et entreprenante pour pouvoir hisser la faculté de Médecine de Sousse au rang qui lui convient véritablement. Optimistes nous resterons et vers un futur rayonnant nous aspirerons. Alors j'espère que les pratiques infâmes et pernicieuses ancrées dans cette belle institution seront bannies à jamais. Que nos honorables maîtres puissent être à la hauteur de la lourde responsabilité qui leur est confiée.