Par Dr Moncef Guen* Bretton Woods est ce coin du New Hampshire aux Etats-Unis où des délégués de 44 pays se sont réunis en juillet 1944, en pleine Seconde Guerre mondiale, pour instaurer le système monétaire et financier mondial et créer le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque internationale pour la reconstruction et le développement, devenue Banque mondiale, dénommés institutions de Bretton Woods. La Tunisie est membre de ces institutions depuis le 14 avril 1958, deux ans après l'indépendance. Elle a bénéficié des concours du FMI pendant les années de crise comme dans les années 60 et 80 et des prêts de la Banque mondiale dans différents secteurs. Sa représentation au sein des conseils d'administration des deux institutions se fait à l'intérieur d'un groupe hétéroclite de pays, comprenant l'Iran, le Pakistan, l'Algérie, le Maroc et le Ghana. C'est un groupe qui n'est homogène ni géographiquement, comme les groupes latino-américains ni linguistiquement comme les groupes arabe et africain. De par sa modeste quote-part, la Tunisie n'est représentée que par des postes de conseillers aux Directeurs exécutifs et de leurs adjoints, occupés par l'Iran et le Maroc au FMI et l'Algérie et le Pakistan à la Banque mondiale. De plus, ce groupe n'admet pas, comme les autres groupes géographiques, une rotation des postes-clé de Directeur exécutif et de Directeur exécutif adjoint à tous les membres du groupe. Une rotation entre l'Algérie et le Pakistan existe à la Banque mondiale mais aucune rotation n'existe au FMI si bien que des pays comme le Ghana et la Tunisie n'ont guère accédé aux postes-clé depuis des décennies. Si une telle situation a pu satisfaire la dictature et sa diplomatie pour accepter ce fait accompli, je ne crois pas que la Tunisie révolutionnaire continuerait de l'accepter. Le renouvellement par élection au sein des groupes se fait à l'occasion des assemblées annuelles des deux institutions en septembre. En 2011, la Tunisie du 14 janvier devrait clairement manifester sa volonté de ne pas accepter ce fait accompli, subi pendant des décennies. Une rotation au sein du groupe devrait être admise sinon notre pays gagnerait à rejoindre d'autres groupes, comme le groupe africain francophone ou le groupe arabe, comprenant l'Egypte et la Libye et dans lequel une rotation devrait également être admise. Au-delà de l'équité qu'une rotation entre membres du groupe assurerait, il est important de souligner que notre ministre du Plan et de la Coopération internationale a un rôle important à jouer pour soulever clairement ce problème, étant donné les rapports fort étroits que la Tunisie démocratique et révolutionnaire devrait tisser avec ces institutions pour financer une partie de ses besoins d'investissement et pour entretenir une coopération technique renforcée avec leurs services. Il ne faut pas oublier l'effet de levier que de tels postes-clé engendrent dans l'échiquier financier international. A travers la Société financière internationale, filiale de la Banque mondiale spécialisée dans le développement du secteur privé, des relations fort utiles pourraient être nouées avec des partenaires industriels et financiers internationaux de Wall Street jusqu'à New Delhi, Shanghai, Séoul et Singapour. Nous avons besoin de ces relations que la Tunisie n'a malheureusement pas exploitées jusqu'à présent, bercée par l'illusion de l'association avec l'Union européenne. Ceci sans mentionner l'importance des votes au sein des conseils d'administration du FMI et de la Banque mondiale non seulement sur les activités des deux institutions mais aussi sur leurs pays membres et le système financier international. Au-delà des conseils d'administration, il y a des comités importants, comme le Comité du développement de la Banque mondiale, qui jouent des rôles de premier plan dans la conception et le suivi des politiques économiques internationales. Que notre pays soit privé d'un tel rayonnement pendant si longtemps est inacceptable pour la Tunisie d'aujourd'hui. Que notre pays ne soit pas en mesure, par représentation de second plan, de bénéficier de relations étroites avec les institutions de Bretton Woods dont il a un grand besoin, n'est plus tolérable après le 14 janvier.