Une révolte jeune a fait en sorte qu'un dictateur s'en est allé, que tout un système est remis en question. A l'origine de ce ras-le-bol général, un chômage infectieux, la précarité, l'oppression, l'injustice sociale et la confiscation des libertés les plus élémentaires, celles de penser et de s'exprimer librement. Cette nouvelle génération a prouvé, avec une forte ténacité et une grande maturité, qu'elle était prête désormais à prendre son destin en main, à faire bouger les choses et à décider de ce que sera la future Tunisie. Des soucis et des engagements qui dépassent nos frontières et qui concernent une jeunesse internationale de plus en plus avertie, consciente du mal qui ronge le monde (crise économique, échec de la mondialisation, problèmes environnementaux …). C'est dans ce sens que s'inscrit le meeting transnational qui a démarré, mercredi dernier, à la maison de la culture Ibn-Rachiq (Tunis). Ce meeting, comme nous l'explique Elie Octave, un jeune syndicaliste français, regroupe des organisations de chômeurs, d'employés précaires, d'universitaires et de travailleurs. Il est le fruit d'une première rencontre en France au mois de février 2011 qui s'était tenue suite à l'appel du réseau «Edu-factory» qui regroupe des organisations et syndicats étudiants et enseignants du monde entier (plus de 100 organisations et une cinquantaine de pays, Europe, Amérique, Asie). Des jeunes tunisiens du Front de libération populaire de la Tunisie (Flpt)— un mouvement jeune de lutte révolutionnaire et progressiste constitué de citoyens tunisiens indépendants activement mobilisés pour la sauvegarde du processus révolutionnaire tunisien— alors présents, ont proposé d'oganiser une rencontre en Tunisie pour élargir le réseau au Maghreb, au Moyen-Orient et en Afrique. Au-delà du réseau Edu-factory, l'appel a été relayé en Algérie par la coordination nationale autonome des étudiants, mais aussi en Egypte, au Maroc, au Mali, au Sénégal, au Burkina Faso (et par le mouvement des sans-voix) «Nous, étudiants, travailleurs précaires, chômeurs, activistes et militants d'Europe et d'Afrique du Nord, nous nous sommes rencontrés à Tunis pour croiser nos savoirs et entamer un processus de luttes communes. Les luttes qui ont traversé l'Afrique du Nord dans ces mois ont fait écho parce qu'elles ont mis au centre de leur combat les conditions de vie et l'absence de futur des nouvelles générations, les premières à se battre et les dernières à avoir droit de parole. Dans le contexte de la crise économique mondiale, il y a plusieurs similitudes entre ce pour quoi on lutte en Europe et les raisons pour lesquelles on a chassé Ben Ali et Moubarak. Ces luttes demandent un changement radical d'un système qui se fonde sur l'exploitation générale et le gouvernement d'élites parasitaires sur les besoins des majorités. On se révolte contre la misère présente et pour bâtir de nouveaux liens sociaux qui soient produits par des processus de libération visant la réappropriation de la richesse collective. Ces luttes ont créé un espace commun que les pouvoirs cherchent constamment à fragmenter et à réprimer», avaient alors appelé ces jeunes et plusieurs collectifs, groupes et individus de différentes nationalités (France, Slovénie, Italie, Bologne, Ukraine, Royaume-Uni, Allemagne, Grèce, Espagne…) ont répondu à cet appel, et voilà que le rendez-vous est fixé, en Tunisie, du 29 septembre au 2 octobre 2011. Pour l'organisation de ce meeting, ces jeunes ont opté pour l'autogestion, sans recourir à aucun sponsoring ou parrainage, en comptant sur la collaboration de l'Union des diplômés chômeurs (UDC), des membres de branches et des bureaux locaux de l' Union générale des étudiants tunisiens (Uget), de l'Ugtt (à titre individuel, ou en tant que syndicats locaux) et des associations tels que le Mouvement des jeunes Tunisiens libres, Organisation tunisienne citoyenne. «La rencontre se déroulera sur 4 jours avec deux jours d'ateliers entre Regueb, Tunis et Sousse. La clôture présentera une assemblée plénière de bilan à Tunis le dernier jour et la décision d'une prochaine rencontre», nous informe Wafa Abida, étudiante tunisienne et membre du Flpt, et d'ajouter : «L'idée est de faire de ce meeting un laboratoire de réflexion et de travail commun autour des questions qui nous semblent fondamentales et que nous traitons dans nos workshops : la migration et la libre circulation des personnes et des savoirs, la précarité, la question de la dette et des services sociaux, la connaissance libre et gratuite pour tous, la construction de réseaux et de médias autonomes, la réappropriation de l'espace urbain, les mécanismes et les formes de mobilisation, l'expérimentation de nouvelles formes d'organisation et d'intelligence collective».