Qui aurait cru que l'ancien footballeur professionnel, deux fois sélectionné en équipe nationale malienne, en tant que capitaine, lâcherait aussi subrepticement une carrière dorée pour se hasarder dans les aléas des planches théâtrales ? Ce fut bien lui, Sotigui Kouyaté qui s'y jeta en plein Paris dans les années 60. Longtemps après, il rencontre Peter Brook, illustre figure du théâtre britannique, voire du théâtre contemporain dans le monde. Dans Le Mahabaharata, l'un des spectacles les plus remarquables de Brook, sa prestation scelle les relations entre les deux artistes pour un périple qui s'enrichira au fil des années : La Tempête, L'homme qui prenait sa femme pour un châpeau, Qui est là, Antigone, Hamlet, Le costume et Tierno Bokar. Plus qu'un comédien fétiche de P. Brook, Sotigui Kouyaté a été son partenaire incontournable. Au cinéma, S. Kouyaté ne manqua pas de cultiver une participation qui lui a valu de décrocher, en 2009, l'Ours d'argent du meilleur interprète masculin. Il fut dirigé par des noms emblématiques : Oumar Sissoko, Salif Keïta et Rachid Bouchareb. Kouyaté a été, en outre, le parrain de l'Association théâtrale Vent d'Afrique. Décédé le 17 avril 2010, à Paris, à l'âge de 74 ans, S. Kouyaté a longuement lutté contre la maladie. Ce qui ne l'a pas empêché de poursuivre sa carrière artistique avec la même ferveur des années 60. Lorsqu'il a été invité par les Journées théâtrales de Carthage pour un hommage en 1993 et revenu en 2001, il a montré un intérêt respectueux de l'expérience théâtrale tunisienne. Les hommes de théâtre tunisiens arabes et africains en gardent un souvenir où s'entremêlent le respect dû à une expérience profondément gérée et l'admiration d'un grand créateur qui a su laisser vives sa curiosité et son humilité. De leur côté, les JCC l'avaient également invité en 2008 et lui ont accordé le Tanit d'or pour l'ensemble de son œuvre. C'est un grand homme de théâtre qui s'en est allé. Il faisait, il fait toujours honneur aux familles théâtrale et cinématographique africaines.