Par Rym GHACHEM-ATTIA Nous sommes en octobre 2011 mais depuis le 14 janvier nous avons l'impression d'avoir vécu 10 ans en un an ! Pourquoi ? Tout d'abord en une nuit nous avons vu se succéder trois présidents de la République tunisienne; en trois mois trois gouvernements se sont succédé et en 10 mois plus de 100 partis se sont formés; on compte près de 1.600 listes candidates pour les élections de la Constituante avec un important nombre de listes indépendantes. Qu'on ne dise pas que notre croissance économique est proche de zéro ? En effet nous n'avons jamais vu le Tunisien aussi actif, aussi exubérant et aussi insoumis. Nous sommes passés de la soumission totale à l'insoumission la plus extrême. Le Tunisien n'a peur de rien mais en même temps il est très angoissé sur l'après 23 octobre : il veut tout et "tout de suite" slogan bien choisi d'un parti politique. Que faire face à tout cela ? Certains se mettent à emmagasiner les stocks de lait, d'eau et de pâtes ? D'autres se disent que ce qui arrivera sera bien partagé et que de toute façon, aller avec tout le monde à la pendaison c'est comme un plaisir de vacances «ichanga mâa ijmâa ikhlaha». Mais l'ambiance est assez «électrique» vu que le niveau de vie connaît une baisse très rapide et que les emplois tardent à être créés! Les médias n'arrêtent pas de nous effrayer ! Alors qu'avant le 14 janvier nous étions "le pays de l'excellence", actuellement quelle que soit la chaîne radio ou télé- on ne nous parle que de dettes ! Que des engagements auxquels devra faire face le nouveau gouvernement ! Que de la nécessité de l'échelonnement des paiements de notre dette ! Le Tunisien qui, dans toute sa vie, n'avait d'autres préoccupations que le bien-être de ses enfants, leurs études et leur avenir, n'arrive plus à se retrouver. Il est sans repères! Il est perdu et surtout n'a plus confiance ! Ni dans le gouvernement, ni dans les partis politiques ni en personne. Même au sein d'une même famille on trouve plusieurs tendances la sœur «indépendante», le frère MRT (Mouvement réformiste tunisien); l'autre frère plutôt «Pôle» et la mère qui leur dit : votre père ne voulait pas que vous fassiez de la politique. Mais chacun de nous sent une responsabilité par rapport à l'avenir et a peur de se dire plus tard j'aurais dû faire et j'aurais dû bouger. On s'en veut tellement de ne pas avoir bougé pendant plus de 23 ans ! Ce silence nous le payons maintenant par cette activité désorganisée et méfiante. Certains continuent à crier pour dénoncer le passé! D'autres s'évertuent à défendre des idéaux plus ou moins dépassés aux yeux du bon sens d'un bon nombre de citoyens. On sent qu'il y a beaucoup plus d'agitations stériles que de véritables actions politiques pouvant être un tant soit peu fécondes. On doit avancer mais on a peur des guides et en fait qui pourrait être notre guide ? Et pourquoi est-on aussi immature qu'on n'arrive point à s'autogérer! La mentalité d'assisté ou de "guidé" imposée, surtout lors des 23 années, a infantilisé nos comportements. Cette régression au stade de l'enfant laisse des séquelles. Le cognitif et le comportemental acquis deviennent plus forts que l'inné. J'espère que le réveil du 24 octobre ne sera pas douloureux et que notre beau pays connaîtra l' avenir qu'il mérite où la notion de patrie prime sur notre identité, où le culte est une affaire individuelle entre soi et soi, où aucune personne ne peut nous dicter notre conduite, notre type d'habillement ni notre façon de vivre et de penser. La Tunisie a toujours été connue pour son hospitalité, son ouverture, sa tolérance et il y faisait bon vivre pour le musulman le juif et le chrétien. Seule la Tunisie peut nous unifier du nord au sud, de Tataouine à Tabarka; nous parlons tous tunisien, nous fêtons tous les Aïds, nous avons nos rituels, nos coutumes et personne ne nous changera. Méa culpa. Essayons de nous pardonner notre silence et que ceux qui aiment notre Tunisie aillent voter le 23 octobre afin qu'on ne nous la change pas !