Dès l'Indépendance, la Tunisie a parié sur la culture en tant que support du développement, mais concrètement, cette démarche n'a pas toujours été à la hauteur des aspirations et des attentes des hommes de lettres et des créateurs. Investir dans la culture était le rêve d'un certain nombre de Tunisiens, dont Slaheddine Smaoui qui a eu l'idée, en 1983, de créer un espace culturel et touristique nommé Ken, alliant authenticité et modernité. En 1988, cet espace a été réalisé à Bouficha, près de Hammamet, dans un style typiquement tunisien, sur une superficie de trois hectares (la surface couverte est de 5 mille mètres carrés), moyennant une enveloppe estimée à 600 mille dinars. Aujourd'hui, il est menacé de fermeture et de perdition, car le propriétaire des lieux n'a pas pu rembourser un crédit, à moyen terme, d'une valeur de 374 mille dinars, contracté auprès d'une banque tunisienne. Actuellement, cette dernière menace de saisir l'établissement et de le mettre en vente. Ken a été officiellement inauguré en 1996 et, depuis, Slaheddine Smaoui a mis les bouchées doubles pour dynamiser cet espace, grâce à ses divers compartiments et ateliers consacrés aux métiers de l'artisanat, dont la fabrication du tapis, de la soie, de la céramique, outre un atelier de meubles traditionnels (chambre à coucher, salons et autres...). Ces ateliers constituent une partie intégrante du village Ken qui comporte aussi des ateliers de vêtements traditionnels et des échantillons de la «kesswa» que portaient, jadis, les femmes et les mariées dans diverses régions du pays, particulièrement Tunis, la capitale, Hammamet, Sousse, Mahdia, Djerba, Sfax et Le Kef. Ken renferme également des espaces culturels et de loisirs, des résidences pour les créateurs et les artistes, des galeries d'arts plastiques, un théâtre de plein air, une salle de congrès, un conservatoire de musique, un restaurant et une piscine, ainsi qu'une bibliothèque spécialisée dans l'architecture, en plus d'un parcours de santé. Ce village, qui a été construit selon le cachet architectural tunisien et avec des matériaux locaux, a obtenu le Prix national des arts et des lettres en 1988, ainsi que celui de la protection de la nature et de l'environnement en 2001. Les ateliers du village Ken ont également décroché, à trois reprises, le premier prix du Salon de l'innovation dans le domaine de l'artisanat. «Tous les produits du village sont inspirés du patrimoine national et conçus selon une vision moderniste, tout en préservant leur authenticité», selon S. Smaoui, qui indique, par ailleurs, que ce village qui a fait l'objet d'un intérêt particulier de la part du monde entier en tant qu'expérience avant-gardiste, a hébergé de nombreux créateurs de Tunisie, du monde arabe et des pays de la rive nord de la Méditerranée. M. Smaoui a rappelé que Ken constitue la première expérience d'un village consacré à la promotion de l'artisanat national pour le hisser au rang des métiers d'art. «Malheureusement, j'ai tenté plusieurs fois, mais vainement, d'attirer des promoteurs privés et de les convaincre de contribuer à la préservation de cet acquis national. Ils ont toutefois exprimé leur peur d'investir dans des projets culturels», dit-il. Notons que le ministère de la Culture a, dans un document daté du 19 octobre 2011, souligné l'importance de cet espace et la nécessité de le protéger en l'intégrant dans la liste des établissements culturels soumis à la loi n° 89 en date de 1982 qui stipule, dans son article 11, qu'il est interdit de transformer la vocation initiale d'un espace culturel sans l'autorisation du ministre de la Culture.