«Or noir», le surnom — devenu commun — du pétrole, est aussi le titre du dernier film de Jean-Jacques Annaud, à qui le cinéma mondial doit des œuvres comme : Le nom de la rose, Sept ans au Tibet et Stalingrad. Cette fois-ci, la production porte la signature de Tarak Ben Ammar. Les deux partenaires sont venus accompagnés de leurs acteurs Tahar Rahim (Un prophète, Des hommes libres), Hichem Rostom, Lotfi Dziri, Mahmoud Larnaout et Mohamed Ali Nahdi, pour présenter ce film dont la sortie est prévue pour le 23 novembre, dans 6.000 salles de par le monde, et bien sûr en Tunisie. La distribution est assurée par Warner et Universal Pictures. La première projection du film a été réservée aux journalistes, le 11 novembre à Gammarth, suivie d'un point de presse. Or noir est un film entouré de plusieurs éléments particuliers, à commencer par son histoire. Elle est adaptée du roman Arab (1957), de l'écrivain suisse Hans Ruesch. Un livre qui a marqué le producteur dans sa jeunesse et dont il a acquis les droits en 1978. L'action est située dans l'Arabie des années 30. Avec en arrière-fond la découverte historique du pétrole dans cette terre, la fiction raconte la métamorphose d'Auda, un jeune prince promis à une vie consacrée aux livres et aux études, qui se retrouve au cœur d'un conflit généré par ce précieux «or noir». Le plus que prometteur Tahar Rahim y donne la réplique à Mark Strong, le sultan Amar de Salmia, et à Antonio Banderas, le roi Nessib de Hobeika. Le premier est son père biologique, le second l'a élevé et marié à son unique fille, la prunelle de ses yeux, Leyla (Freida Pinto). On le voit donc, les acteurs viennent de tous bords, y compris de Tunisie, dont une pléiade de comédiens de talent a été recrutée pour incarner des personnages qui ont leur poids dans l'histoire (principalement des chefs de tribus). Tout ce beau monde a dû jouer en anglais. Pour uniformiser les accents et leur donner un aspect véridique, les voix ont été doublées par des Anglais d'origine arabe. Mais l'exercice le plus délicat est ailleurs. Il réside dans l'histoire du film. Elle est passée par 17 scénarios, des professeurs d'histoire et de différentes disciplines, afin de présenter fidèlement l'Arabie et ses habitants de l'époque. De ce point de vue, le film est un témoin qui sort du lot de l'image de l'Arabe qu'on a l'habitude de montrer dans le cinéma mondial, en particulier hollywoodien. Dans Or noir, il s'agit d'êtres humains, avec leurs traditions et leur culture, leurs moments de joie, de peines et d'hésitations. Des tribus confrontées au désarroi de ce que va impliquer la découverte du pétrole sur leur vie, très marquée par le poids de la religion, dans ce désert qu'ils croyaient totalement stérile, alors qu'il regorge de richesses, auxquelles ils renoncent par ignorance ou par rejet de ce qui est matériel. C'est, au fond, un vif débat entre traditions et modernité, qui a besoin d'un visionnaire. Le film ne nous dit pas si Auda va être ce visionnaire, comme il ne nous dit jamais si ces gens ont tort ou raison. C'est là la force du récit, habilement habillé, par Jean-Jacques Annaud, d'images riches et magnifiques. Pour en revenir à la conférence de presse, elle a été la première dans le monde où le film va être présenté, après le festival du film de Doha. Tarak Ben Ammar y a, par ailleurs, infirmé la rumeur, très insistante, selon laquelle le film aurait été préalablement visionné par des responsables d'Ennahdha, pour avoir son aval, avant de le proposer au large public. La conférence a permis d'en savoir davantage sur les à-côtés de cette expérience qui a réuni une grande équipe autour d'un budget colossal : «40 millions d'euros, dont 15 dépensés en Tunisie», a dévoilé Tarak Ben Ammar. En effet, 80% des techniciens étaient des Tunisiens. Or noir a été, en partie, filmé au Qatar, mais majoritairement dans le désert tunisien, en pleine révolution. Un making-of a été projeté avant le visionnage du film, avec, particulièrement, des témoignages du réalisateur, des acteurs et des techniciens sur cette période, à la fois excitante et pleine d'incertitudes. Le producteur tunisien n'a pas raté l'occasion pour insister sur l'importance de tels projets pour l'économie du pays. «Des centaines de familles vivront pendant peut-être des mois rien que des salaires de la figuration», a-t-il dit, en rappelant que pour avoir un secteur culturel prospère, il faut créer une industrie. On pourra donc s'en réjouir le jour où il ne sera pas le seul à ramener ce type de projets. C'est bien connu, toute industrie n'aime pas le monopole.