Par Selim KOUIDHI(*) Pour exceller dans l'exercice de l'honorable fonction de Premier ministre, se remémorer les erreurs commises par vos prédécesseurs et en tirer les leçons est à mon humble avis une étape incontournable pour partir du bon pied. En effet, utiliser les bons termes et préparer scrupuleusement vos futurs discours semble être les premières leçons à tirer des erreurs de votre prédécesseur étant donné que l'éloquence légendaire de cet homme politique pourtant aguerri, ne lui a pas toujours été un allié fidèle. Assurément, certaines déclarations explosives prononcées lors de l'exercice de la fonction de Premier ministre à la tête du gouvernement transitoire par M. Béji Caïd Essebsi lui ont joué de très mauvais tours, provoquant parfois le soulèvement des masses populaires qui sont allées jusqu'à réclamer sa démission. Je pense particulièrement à sa déclaration où il a traité 3% des agents des forces de l'ordre de singes; à mon avis une telle réaction était amplement justifiée, car ses propos ne reflètent aucunement la réalité, vu qu'il aurait dû traiter non pas 3% des agents des forces de l'ordre de singes mais 97% de la population tunisienne entière de singes. Permettez-moi monsieur d'éclairer votre lanterne; en se référant à une expérience scientifique comportementale qui a été menée par la San diego States University sur des chimpanzés et qui a accouché du «théoréme du singe», le comportement de certains durant ces dernières années s'apparentait plus aux comportements des macaques qu'à celui des humains. En effet, cette expérience consiste à isoler une vingtaine de chimpanzés dans une pièce où est accrochée au plafond une banane, et seule une échelle permet d'y accéder. La pièce est également dotée d'un système qui permet de faire couler de l'eau glacée dans la chambre dès qu'un singe tente d'escalader l'échelle. Rapidement, les chimpanzés apprennent qu'ils ne doivent pas escalader l'échelle. Le système d'aspersion d'eau glacée est ensuite rendu inactif, mais les chimpanzés conservent l'expérience acquise et ne tentent plus de s'approcher de l'échelle. Un des singes est remplacé par un nouveau et lorsque ce dernier tente d'attraper la banane en gravissant l'échelle, les autres singes l'agressent violemment et le repoussent. Lorsqu'un second chimpanzé est remplacé, lui aussi se fait agresser en tentant d'escalader l'échelle, y compris par le premier singe remplaçant. L'expérience est poursuivie jusqu'à ce que la totalité des premiers chimpanzés qui avaient effectivement eu à subir les douches froides soient tous remplacés. Pourtant, les singes ne tentent plus d'escalader l'échelle pour atteindre la banane. Et si l'un d'entre eux s'y essaye néanmoins, il est puni par les autres, sans savoir pourquoi cela est interdit et en n'ayant jamais subi de douche glacée. Le pire, c'est qu'aucun des chimpanzés n'a la moindre idée sur le pourquoi de la chose. La paranoïa dont la majorité des Tunisiens était atteinte a longtemps découragé de valeureux citoyens avides de liberté, à escalader «l'échelle» sous prétexte que l'eau déversée par Ben Ali et sa Mafia était glaciale alors qu'aucun d'entre eux n'avait la moindre idée sur la température de cette eau, vu qu'ils n'ont jamais subi de douche glacée. Pourtant malgré cette honteuse hébétude de la majorité des Tunisiens longue de plus de 23 ans, certains jeunes Tunisiens en quête de liberté et de dignité ont bravé les interdits et ont réussi à atteindre le bout de cette échelle indemnes, un 14 janvier de l'an 2011. Monsieur le Premier ministre, après avoir entrevu les premiers prémices des critiques acerbes, ne vous hasardez surtout plus à calquer votre prédécesseur, notamment en imitant son inégalable éloquence, mais pensez plutôt à démontrer aux Tunisiens et à ceux qui vous ont élu votre capacité à métamorphoser le peuple Tunisien en un peuple confiant et valeureux qui n'acceptera plus les dogmes et qui n'aura plus peur d'escalader les échelles quelle que soit la froideur de l'eau déversée et surtout quel que soit son déverseur, car si par malheur ce noble objectif ne fait pas partie de vos priorités on risque alors de s'enfoncer dans une nouvelle ère d'hébétude qui risque cette fois-ci de durer à jamais.